M. le ministre,
Une année se termine. C’est le moment de passer en revue ce qui a bien marché et ce qui a été moins probant. Pour le tourisme, le bilan semble mi-figue mi-raisin. Les chiffres des arrivées indiquent une stagnation et semblent donner une image d’immobilisme. Faut-il s’en inquiéter ? Voilà un premier dossier auquel devra s’attaquer le nouveau ministre du Tourisme, Joe Lesjongard. C’est la première fois qu’il occupe ce ministère et on ne lui connaît pas d’expérience dans ce secteur. Mais cela n’est pas nécessairement un désavantage, tous ses prédécesseurs ont commencé à la même enseigne.
Il aura quand même le mérite d’apporter du sang nouveau dans un secteur qui en demande beaucoup. À commencer par l’interrogation sur la croissance voulue. Au cours des dernières années, on a vu les arrivées croître régulièrement autour de 4 % par an, ce qui nous a amené près de 1,4 million de touristes en 2018, soit plus que la population de Maurice. D’aucuns estiment que Maurice devrait viser les deux millions d’arrivées. Si oui, où chercher ces nouveaux voyageurs ? À un moment où la concurrence est des plus féroce au niveau des destinations ensoleillées avec le redémarrage dans les Antilles et dans les pays du bassin méditerranéen, mais aussi dans l’océan Indien avec les Maldives notamment, Maurice ne peut plus jouer les mêmes cartes. Le tourisme de masse s’il apporte un satisfecit au niveau du volume, est loin d’apporter le même sentiment au niveau des recettes. N’est-il pas temps de revoir la stratégie de Maurice et privilégier la qualité au lieu de la quantité ? Aux Seychelles, le gouvernement s’est fixé un maximum de 500,000 touristes que l’archipel peut accueillir, voulant ainsi garder le côté exclusif de la destination. N’estil pas temps pour Maurice de revoir ses campagnes promotionnelles en ciblant les marchés traditionnels, France, Allemagne et Royaume-Uni notamment et des marchés de niche comme la Russie ou les Émirats voire l’Arabie Saoudite plutôt que de courir vers les touristes chinois qui se lassent vite de notre petite île?
Le succès de la destination Maurice s’est construit sur les « repeaters » pour qui la distance et le prix ne pèsent pas beaucoup quand il s’agit d’opter pour notre île pour leurs vacances. Certes, ces « repeaters » diminuent au fil des ans en raison de l’âge et il importe de voir comment fidéliser les nouveaux voyageurs toujours avides d’expériences nouvelles dans le plus de destinations possible. Le défi est encore plus grand quand on sait que le voyage fait face aujourd’hui aux enjeux de l’urgence climatique et est pointé du doigt pour son taux d’émission carbone élevé. Autre défi qui attend le nouveau ministre, c’est l’épineux dossier du AirBnB. Son prédécesseur a déjà demandé une étude auprès de la Tourism Authority sur ce secteur non-réglementé qui, tout en bénéficiant des campagnes promotionnelles de Maurice, n’y contribue nullement et serait possiblement une des causes de la baisse des recettes avec des prix cassés.
Notre nouveau ministre gagnerait aussi à plancher sur les formations dispensées dans le secteur mais aussi les industries qui gravitent autour. L’exode de nos compétences temporaires ou permanentes affecte beaucoup l’industrie et le niveau des prestations.
Voilà quelques-uns des dossiers qui nous semblent prioritaires parmi tous ceux que les acteurs de l’industrie vont sans doute lui mentionner, tout comme leur souhait que le plan stratégique mis en place en 2018 après de longues discussions ne soit pas abandonné.
Le discours programme prévu fin décembre/début janvier nous donnera probablement des réponses là-dessus. En attendant, nous vous souhaitons à tous de bonnes fêtes et une belle année 2020.