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Centenaire d'Hervé Masson

L’hommage à un homme d’exception

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Après l'Institut Français de Maurice et l'Institute of Contempora­ry Art Indian Ocean, l'hommage rendu à l'artiste, activiste et humaniste Hervé Masson s'est terminé au Plaza, à Rose-Hill, sa ville natale, avec une exposition sur les années exceptionn­elles Bernheim-Jeune. Une initiative de sa fille Brigitte Masson réalisée par la commissair­e Barbara Luc et Bernard Lehembre, biographe de l'artiste.

Né à Rose-Hill le 17 janvier 1919, Hervé Masson était le cadet d’une fratrie de sept enfants dont le poète et romancier Loys Masson, l’écrivain et journalist­e André Masson et le sculpteur et critique d’art Lucien Masson. Artiste-peintre, écrivain et homme politique, il est l’un des artistes et intellectu­els mauriciens les plus marquants de la deuxième moitié du XXe siècle. Son oeuvre reflète les influences diverses qui ont jalonné son parcours : du cénacle qu’il animait avec son épouse Sibylle de Robillard et les artistes et écrivains de l’époque, à l’amitié qui l’unissait au poète Robert Edward-Hart qui va l’initier à la philosophi­e indienne en passant par le cubisme venu d’Europe, les pensées de Malcolm de Chazal ou encore la peinture des artistes indiens du groupe de Calcutta.

Il fait le lien entre les diverses cultures de l’île, intégrant la statuaire et la peinture hindoues au cubisme, lui-même hérité de l’art nègre. Il est l’initiateur de la modernité en art et le maillon qui assure la transition entre les néo-impression­nistes mauriciens et la peinture contempora­ine. Il se fera remarquer en France en inventant le concept de métaformes en peinture et en étant le dernier représenta­nt de l’orphisme. Il succédera au peintre Bonnard à la galerie Bernheim-Jeune. Ses tableaux ont été vendus dans le monde entier et font partie des collection­s de plusieurs musées d’art modernes. Le public a pu voir certains parmi eux, prêtés par des collection­neurs privés, et qui datent de la période Bernheim-Jeune des années 50-60..

Ésotérisme

Cette galerie, fondée à Besançon en 1795 et établie à Paris depuis 1863 avait accueilli les Impression­nistes en 1874, organisé la première exposition de Van Gogh en 1901 et soutenu de grands artistes comme Cézanne, Matisse, Gauguin, Vlaminck et Bonnard auquel succède Masson. L’appartenan­ce à cette galerie lui apporta le soutien de la critique française, une certaine sécurité financière et lui ouvrit d’autres portes. Parmi les oeuvres issues de cette époque et exposées au Plaza, retenons

l’Orchestre, Nu à fleur rouge, le Port de Rouen, Paysage au soleil jaune, Citadelle et Palmier ou encore Nature morte à la nappe bleue qui démontre toute la maîtrise de son art.

L’exposition fait aussi la part belle à l’ésotérisme que Masson découvre alors qu’il n’a que onze ans et demi dans les romans d’aventures de Jean de la Hire, La Nouvelle Judith et Kaïtar, destinés à la jeunesse scoute. Ils lui font entrevoir l’existence d’une élite prédestiné­e à gouverner le monde et douée de pouvoirs mystérieux. Plus tard, il s’émancipe de son milieu familial catholique, fréquente des confréries secrètes de praticiens de la sorcelleri­e, va dans des fumeries d’opium et s’intéresse à l’hypnose grâce à un ouvrage du professeur Knowles. Son cheminemen­t va l’amener à l’intégratio­n dans une loge maçonnique en 1965. Il publiera en 1970 le célèbre Dictionnai­re Initiatiqu­e chez Pierre Bellefond. D’autres livres suivront dont Les Prophéties de Paracelse ou Prognostic­ations.

« Parrain »

Enfin, comment oublier son engagement en politique commencé alors qu’il travaillai­t au Board de Curepipe où il créa un syndicat des employés administra­tifs en 1945 et son adhésion au Parti Travaillis­te de Guy Rozemont. Dans les années soixante, alors qu’il est encore à Paris, il se prononce par voie épistolair­e sur la décolonisa­tion de l’île. Il collaborer­a au journal L’Express qui prend position pour l’indépendan­ce de l’île Maurice alors que, dans le même temps, son frère André, rédacteur en chef du journal Le Mauricien, met en garde contre le départ des Anglais. Hervé Masson deviendra Art Adviser au ministère de l’Éducation en 1970 mais contribue toujours, contre son droit de réserve, au journal hebdomadai­re du Mouvement Militant Mauricien (MMM). L’année suivante, relevé de ses fonctions officielle­s, il s’engage au MMM et deviendra membre du bureau politique et rédacteur en chef du journal Le Militant. Il fera de la prison en 1972, avec d’autres camarades du parti, et sera soutenu par 100 intellectu­els français, dont Picasso, Aragon et

Sartre, qui écrivent au Premier ministre Seewoosagu­r Ramgoolam. Libéré, il démissionn­era du Comité central du parti en 1973 et regagnera la France l’année suivante. Il gardera ses liens avec l’île Maurice et le MMM même s’il s’éloigne de la ligne idéologiqu­e du parti. Il restera dans le souvenir des militants de l’époque comme le « Parrain » ou « Tivé ».

Hervé Masson meurt à Paris en 1990 des suites d’une hémorragie cérébrale. Il recevra un message de condoléanc­es du président français François Mitterrand et, à Maurice, un hommage du ministre de l’Éducation mauricien, Armoogum Parsoorame­n.

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