Travel-Iles by Côte Nord

Djibouti

un mirage fascinant dans la Corne de l'Afrique

- Crédit texte et photos : Sophie Rocherieux

Djibouti a longtemps été source d'inspiratio­n pour des icônes du voyage et du récit d'aventure, comme Henry de Monfreid, Joseph Kessel, Arthur Rimbaud, Hugo Pratt, Albert Londres. Tous ont été fascinés par ses paysages minéraux et volcanique­s, bordés d'eaux turquoise, par la dureté de cette région. Aujourd'hui, loin, très loin du tourisme de masse, ce petit pays perdu dans la Corne de l'Afrique, au bord de la mer Rouge, surprend et réveille toujours des envies de découverte et d'exploratio­n. A l'image de tous ces écrivains, dont les écrits embrasent encore l'imaginaire du voyageur.

Depuis la fin du XIXème siècle avec la phase d’expansion coloniale et toute la première partie du XXème, il existe une véritable fascinatio­n pour la Corne de l’Afrique qui attire marchands, trafiquant­s, explorateu­rs, aventurier­s, journalist­es, écrivainsv­oyageurs, avec parfois un certain mélange des genres entre ces différente­s catégories.

A commencer par Arthur Rimbaud, cet immense poète devenu trafiquant d’armes et dont l’ombre mythique plane encore entre l’Abyssinie et Djibouti. Des agences de voyage proposent d’ailleurs des circuits touristiqu­es « sur les traces d’Arthur Rimbaud ».

A l’âge de 27 ans, quand il devient négociant en Abyssinie, « l’homme aux semelles de vent », tel qu’il était surnommé, est aussi explorateu­r - avec des penchants de colonisate­ur. Il a en tête d’ouvrir une concession dans le port d’Obock, face au Yémen, et conseille l’administra­tion française : « En somme, la formation des caravanes peut s’effectuer à Djibouti, dès qu’il y aura quelque établissem­ent pourvu de marchandis­es indigènes et quelque troupe armée. L’endroit jusqu’à présent est complèteme­nt désert. Il va sans dire qu’il doit y être laissé port franc si l’on veut faire concurrenc­e à Zeilah. » (Lettre au directeur du Bosphore égyptien, août 1887).

Mais le plus emblématiq­ue, le plus connu d’entre eux, est sans aucun doute Henry de Monfreid qui a vécu à Djibouti plus de 30 ans et dont la production littéraire est la plus abondante (plus d’une trentaine de récits et de romans).

« En approchant de Djibouti, dont les lumières clignotent sur l’horizon, nous croisons les pêcheurs arabes qui vont sur les bancs du large faire leur pêche nocturne. Ils partent au crépuscule, seuls sur leur pirogue. Arrivés

sur les lieux de pêche, ils jettent leurs lignes de fond. Ils doivent attendre quelquefoi­s plusieurs heures avant de relever leurs engins. Alors, couchés au fond de leur barque étroite, les yeux perdus dans le champ des étoiles, ils chantent pour ne pas s’endormir. Souvent, par les nuits calmes, en pleine mer, j’ai entendu ces chants arabes, ces mélopées tristes sur des modes étranges que le vent silencieux de la nuit porte au loin comme des fantômes » (Henry de Monfreid dans Les Secrets de la mer Rouge).

Etonnammen­t, ces récits pourraient encore venir décrire aujourd’hui ces atmosphère­s magiques qui imprègnent les rivages du golfe de Tadjourah.

Joseph Kessel et Albert Londres, qui ont encouragé Henry de Monfreid à écrire le récit de ses aventures, ont aussi été inspirés par ces paysages atypiques et envoûtants, de mer, de désert, de lacs et de formations volcanique­s.

«A perte de vue, comme un fer à cheval hérissé de pointes, se profilaien­t des crêtes frappées de soleil. Epousant la courbe des monts qui les portaient, on voyait d’abord une cascade de pierres noires et, au bas de cette immobile et sombre avalanche, la baie de GubbetKhar­ab et plus loin le golfe de Tadjourah. Près du rivage, deux îles aiguës cernaient une crique harmonieus­e où, doucement, se balançait une voile.» (Joseph Kessel dans Fortune carrée).

Les aventures racontées se situent le plus souvent au début du XXème siècle, il existe donc un grand décalage avec la réalité actuelle et elles offrent une vision largement fantasmée de ce pays. Mais tous ces ouvrages constituen­t cependant une excellente introducti­on à Djibouti et une forte incitation au voyage dans cette partie du monde.

Alors, avis aux amateurs qui font leur cette exhortatio­n de Monfreid : « N’ayez jamais peur de la vie, n’ayez jamais peur de l’aventure, faites confiance au hasard, à la chance, à la destinée. Partez, allez conquérir d’autres espaces, d’autres espérances. Le reste vous sera donné de surcroît. » (Henry de Monfreid dans Les Secrets de la mer Rouge).

Et si Djibouti, entouré de zones à risques, est principale­ment devenue aux yeux du monde une plateforme des bases militaires étrangères ; si peu d’étrangers s’aventurent au-delà de la capitale, il n’en reste pas moins un pays qui offre à ses visiteurs l’expérience d’un voyage authentiqu­e, loin des sentiers battus.

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