· L'agriculture alternative, pour une alimentation saine
pour une alimentation saine
La vie humaine sur Terre n'a jamais été aussi menacée si l'on croit les phénomènes climatiques et sanitaires qui nous assaillent : réchauffement, tempêtes, cancer, virus… Alors que beaucoup d'États traînent les pieds pour prendre la mesure du danger, des citoyens s'organisent pour trouver des solutions. À Maurice également des « militants » s'organisent pour apporter leur contribution particulièrement au niveau de l'agriculture.
«Il y a une prise de conscience grandissante de la population mauricienne aujourd’hui, informée par la toile sur la problématique du réchauffement climatique qui menace la planète. L’année dernière l’Amazonie, considérée comme le poumon de la planète, était en feu. Les jeunes à travers le monde et à Maurice sont particulièrement sensibles », nous explique
Malenn Oodiah, sociologue qui a lancé Projet de Société. Son initiative vise à replanter des arbres à l’île Maurice et 200 000 l’ont été en 2019. Cette année, il vise la barre d’un million d’arbres mis en terre.
Cette prise de conscience, on la trouve effectivement chez des jeunes comme Cédric Affouye, planteur de Montagne Longue qui s’est lancé dans le « nutritional farming » pour proposer une alternative à l’agriculture industrielle où les intrants chimiques menacent sérieusement notre santé.
« Les agriculteurs ne prennent plus le temps aujourd’hui d’observer la nature ; certes ils sont poussés par le marché où la demande pour des produits « jolis », « pas abîmés », « sans bestioles » est très forte. Mais je pense qu’il faut éduquer le consommateur pour renverser la tendance ». Cédric n’est pas pour autant totalement opposé à l’utilisation des fertilisants. « On applique des fertilisants bios pour certains ou pas tous nocifs ; on n’applique pas de pesticides, mais on privilégie les microbes qui sont là pour faire ce travail. Cette méthode de fertilisation va densifier le potentiel nutritif de la plante. »
Nutritional farming
Le « nutritional farming » demande d’abord à apprendre à connaître la terre, quelque chose de vivant, qui contient des bactéries, des champignons, des vers, des insectes, entre autres ; on travaille avec la terre, on la respecte comme autrefois alors que la méthode conventionnelle
moderne tue la terre, affirme le jeune agriculteur. « Le nutritional farming contribue à garder le CO dans la terre », ajoute-t-il.
Beaucoup plus radicale, Aurore Rouzzi, initiatrice de SensiBio, s’insurge contre les industriels qui ont ruiné notre île en 60 ans avec une utilisation massive de produits chimiques. « Les agriculteurs sont les plus exposés, j’ai rencontré beaucoup de planteurs qui tombent malades à cause de produits chimiques qu’ils utilisent tous les jours. C’est d’autant plus alarmant qu’il s’agit d’une île avec des ressources en eau limitées, et qu’il y a des infiltrations dans la nappe phréatique », martèle-t-elle. « Ce sont ceux qui ont détruit l’écosystème qui nous disent aujourd’hui que l’agriculture n’est pas possible sans leurs produits, pesticides, herbicides et autres. » Pour s’en sortir, elle propose l’agriculture biologique qui « est viable car on peut faire des systèmes d’intensification des cultures, d’optimisation de l’espace ; ce qui n’est pas pratiqué à Maurice ». « Certes cela va prendre du temps car les sols doivent se régénérer, mais cela en vaut la peine. » Pour cela, il faudrait que les terrains agricoles restent agricoles, il faudrait avoir des planteurs, et les pousser car plus personne ne veut en veut faire, propose Aurore.
« Il faut avoir plus de surfaces agricoles bios, en petite superficie ; des petits planteurs qui nourriront leur voisinage, leur village ; ce n’est pas nécessaire d’avoir des dizaines d’hectares de bio pour nourrir tout le monde. Sur une petite surface, le planteur aura plus de possibilités de surveiller sa plantation et son écosystème. » Quant à la valeur nutritive, des produits issus de l’agriculture biologique, elle est catégorique, c’est bien mieux. « En agriculture chimique, la plante est sous perfusion, nourrie avec des engrais liquides que la plante va absorber pour se nourrir. En agriculture bio, on nourrit le sol, qui lui-même va nourrir la plante sans oublier la notion de terroir qui entre en jeu. Ensuite, il y a moins d’eau dans ces légumes et ils sont plus nourrissants. Il faudrait aussi les manger crus autant que faire se peut. »
Aquaponie
Des fermes bios voient ainsi le jour un peu partout dans l’île à l’instar de BioPro Ltd à Bananes que Valérie Buckingham a lancée avec son époux Hans, à la suite d’une grave maladie. Au fil du temps, la ferme s’est étalée sur onze hectares et fournit plusieurs régions de l’île. Avec la demande croissante, d’autres fermes similaires devraient voir le jour affirme Aurore qui assure des formations à travers l’île depuis trois ans. Mais d’autres formes d’agriculture apportent aussi des solutions intéressantes avec des récoltes intensives sur de petites surfaces comme l’aquaponie (aquaponics) qu’enseigne Cédric Fayolle.
« Technique ancienne remise au goût du jour sans les années soixante-dix, elle propose la production de légumes à partir de sous-produits de l’élevage de poisson », explique-t-il. Les intrants chimiques ne sont pas présents et le rendement est entre 3 et 6 fois plus fort que l’agriculture classique.
Toutes ces méthodes sont, certes, encore à petite échelle mais l’intérêt est croissant à Maurice, tant chez les particuliers que de nouveaux planteurs et comme dit Aurore, « tikou tikou touy loulou».