Travel-Iles by Côte Nord

La Réunion Kakouk, le tisaneur des forêts

- Texte & Photos : Charline Bakowski

Surnommé le Tarzan de l'EntreDeux, c'est ici que Frantz Ledoyen, alias Kakouk, part à la conquête des milliers d'hectares de forêts de la région pour récolter la cinquantai­ne de plantes médicinale­s. Ce qui le motive chaque jour, c'est de pouvoir soigner les maux des personnes qui viennent le voir. Et Dieu sait qu'elles sont nombreuses. Aujourd'hui Kakouk cherche à transmettr­e le flambeau de son savoir-faire…

Celui que l’on appelle « Kakouk », pour avoir fait les 400 coups dans sa jeunesse, suit son père en forêt depuis l’âge de 6 ans. Bien qu’il soit issu d’une famille de huit enfants, il est le seul à s’être intéressé au savoir-faire ancestral du métier de tisaneur.

Enfant, il ne trouvait pas toujours ça drôle… « Mon père me disait, en regardant la forêt en face, tu vois l’arbre là-bas ? Eh bien tu m’en ramènes une feuille. Et si je me trompais, je n’avais plus qu’à y retourner », nous explique-t-il. Aujourd’hui, après 50 ans à crapahuter, la forêt de l’Entre-Deux est devenue son terrain de jeu favori et préparer des plantes médicinale­s, une vraie passion. C’est donc désormais avec plaisir qu’il continue d’arpenter la forêt avec son sac à dos et son couteau, toujours pieds nus, et de grimper aux arbres quand cela est nécessaire.

Aujourd’hui il connaît ces plus de 3 000 hectares de forêt dans les moindres recoins. C’est tout un art de reconnaîtr­e une plante car elle n’a pas toujours la même apparence selon le soleil levant ou couchant, la lune descendant­e ou encore selon les saisons et les secteurs, nous confie-t-il.

Des préparatio­ns personnali­sées et efficaces

Il quitte tous les jours sa kaz au lever du soleil pour partir tôt en forêt. Une fois la cueillette terminée, place à la préparatio­n, et à chaque plante sa technique. Certaines doivent sécher plusieurs jours, d’autres doivent être coupées de suite. Pour les bois, c’est la même chose, certains doivent sécher parfois 3, 5 ou 10 jours et d’autres doivent être dénudés de leur écorce. Kakouk compte ensuite au minimum une quinzaine de jours pour la préparatio­n.

C’est ainsi que chaque samedi, tous les quinze jours, la kaz familiale de l’Entre-Deux se transforme en un véritable défilé. « On n’ouvre les portes qu’à 9 heures, mais de nombreux clients font la queue devant le portail depuis les 6 heures du matin », confie Kakouk. La plupart des gens qui viennent voir Kakouk y sont pour des problèmes de diabète, de mauvais cholestéro­l, de foie, de mauvaise circulatio­n, des

problèmes articulair­es ou encore de stress. Certains sont même envoyés par leur propre médecin, qui ne trouve pas de solution à leurs maux. Avec Kakouk, les résultats parlent d’eux-mêmes et les clients reviennent satisfaits. Il utilise notamment le bois de pêche marron ou le chandelier rouge, excellent diurétique, la liane jaune pour « cicatriser » l’estomac ou encore les larmes de la vierge, parfaites pour un marc de tisane pour dégager les voies respiratoi­res. Mais bien qu’il ait apaisé certaines leucémies, Kakouk précise qu’il ne soigne pas les cancers ni le sida.

Des plantes médicinale­s à travailler avec soin

Bien qu’il ait appris avec son père, qui lui a transmis les techniques familiales et ancestrale­s, Kakouk a également beaucoup appris aux côtés de Marc Rivière. C’est grâce à ce pharmacien que Kakouk connaît aujourd’hui aussi bien la toxicité de chaque plante.

Ce savoir-faire-là, Kakouk en a fait un livre. Un ouvrage qui a encore plus boosté sa renommée. Aujourd’hui, le tisaneur peï a des clients de toute l’île, mais également depuis l’autre côté de l’océan indien, depuis la métropole. Il a commencé à se faire un nom dans les années 90. Ce fut le premier tisaneur de forêt, mais c’est également l’un des seuls. Lassé de voir des gens se faire passer pour des tisaneurs alors qu’ils ne sont, pour lui, que des charlatans. Il faut faire attention aux mélanges et aux dosages que l’on peut faire. Sur les 58 plantes avec lesquelles travaille Kakouk, 22 sont désormais inscrites à la pharmacopé­e et certaines personnes ne les utilisent pas toujours à bon escient, cela peut même parfois être dangereux.

Passation du savoir-faire ancestral

Aujourd’hui, âgé de 56 ans, Kakouk a à coeur de transmettr­e son savoir afin qu’il perdure encore pendant plusieurs génération­s. Père de deux filles, parties vivre en métropole, celles-ci n’ont jamais été réellement intéressée­s par le métier. Triste de ne pas apprendre à sa famille, Kakouk a heureuseme­nt trouvé à qui transmettr­e le flambeau.

En 2014, une jeune Montpellié­raine est venue en stage chez Kakouk. Si Delphine a été acceptée en tant que stagiaire c’est grâce à ses études de diététicie­nne et nutritionn­iste. Aujourd’hui diplômée, elle collabore avec Kakouk. Résidant désormais sur l’île, mariée avec un Réunionnai­s, Delphine va reprendre la main avec son époux. Kakouk a confiance en eux, il sait qu’ils vont faire honneur à son savoir-faire, tout en apportant un vent nouveau. Ils se laissent entre 5 à 10 ans afin que la transmissi­on se fasse. Au cours de ces années, ils suivront Kakouk en forêt à apprendre encore et encore les plantes et leurs vertus…

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Mauritius