Superman
Il a décollé de l’héliport pour un vol de cinq minutes dans le ciel de la Principauté. Hier, David Mayman a inauguré son Jetpack JB-.
Derrière un rideau bleu, David Mayman se cache des regards indiscrets. Les traits du visage tendus. Il enveloppe délicatement ses jambes d’une couche d’aluminium puis enfile sa combinaison noire. «Avec le souffle des turboréacteurs, cela pourrait prendre feu si jamais il y avait une fuite de kerosen. Alors, on le protège», lâche un membre du staff autour de lui, avant de l’isoler des curieux. Le pilote australien de 53 ans exige d’être seul dans sa bulle. Sans doute pour ne pas être distrait avant son décollage imminent sur le tarmac de l’héliport de Fontvieille. Pas d’un hélicoptère, non. Mais de sa propre création, fruit de décennies d’études et de tests. Une machine volante qui répond au doux nom de Jetpack JB-10. Sorte d’Hoverboard tout droit sorti de Retour vers le futur mais qu’on enfile sur le dos.
« On n’est pas à l’abri d’un accident »
17 heures. David Mayman traverse la foule pour le lancement mondial de son « bébé », après un essai secret à New York, il y a moins d’un an. Un furtif baiser à sa femme, Saschi. Puis, un câlin pour ses deux filles, Georgina et Charlotte. « On est un peu stressées, avoue l’épouse du pilote. C’est quand même dangereux, on n’est pas à l’abri d’un accident.» Sur la plate-forme, le créateur enfile la « bête », dotée de deux puissants propulseurs. « Qu’est-ce que vous regardez les gars ? », assènet-il à la nuée de caméras pour détendre l’atmosphère. Il tourne les talons et se dirige vers le précipice de la grande bleue. Avec des allures de Robocop dans la gestuelle. Une minute, deux, puis trois. Sans que rien ne se passe. Georgina, sa fille de 14 ans, se tient le visage dans ses mains, les yeux embués par le stress. Et puis à 17h11, droit comme un I, David Mayman s’élève dans les airs. Dans un bruit sourd, des volutes de fumées s’échappant des réacteurs. «Ça a la puissance d’un avion, ce truc?», lance un observateur avisé, aux premières loges. Boules Quies de rigueur pour atténuer la vrombissante acoustique de 120 décibels.
«Un homme volant»
Le pilote devient minuscule à mesure qu’il s’éloigne de l’héliport, solidement escorté par la police maritime. Le « Superman » humain enchaîne les virages et les tours sur lui-même à vingt mètres d’altitude, grâce à ses manettes. Un brin frileux sur la vitesse, toutefois. Pas de quoi doucher l’enthousiasme effréné des spectateurs. «Un homme volant, il n’y a vraiment qu’ici qu’on peut voir ça», s’extasie Peter, les yeux ébahis. Cinq minutes de pirouettes. Et puis, le retour sur la terre ferme, sous les applaudissements nourris de la foule et les sirènes hurlantes des bateaux. « C’est le meilleur. Il a tellement travaillé pour ce jour», lance sa femme Saschi, la peur ayant laissé place à une fierté incommensurable. Quand le rêve d’enfant se mue en un vol pour l’histoire. Quand la fiction devient réalité. Quand le futur devient le présent.