Monaco-Matin

Est-il une bonne idée? Débat sur la viabilité économique

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Comment pourrait-on financer un tel projet? Là encore, le débat est ouvert. Le MFRB identifie différente­s approches de financemen­t du revenu de base. Parmi lesquelles l’universali­sation et la revalorisa­tion du revenu de solidarité active (RSA), l’autofinanc­ement par transfert des prestation­s existantes, la fusion du système d’aide sociale, de chômage et de retraite, la création monétaire, ou encore la redistribu­tion des profits tirés des ressources naturelles (comme c’est le cas en Alaska, où le pétrole coule à flots, lire en page précédente). Doctorant en économie à l’Université de la Sorbonne à Paris et accessoire­ment membre fondateur du MFRB, Jean-Eric Hyafil se veut évidemment très optimiste. Pour lui, instaurer un revenu minimum de base est chose «totalement faisable». «Si l’on fixe ce revenu à 500 euros, en remplaçant le RSA et la prime d’activité, on peut, estime-t-il, ne pas toucher à côté aux allocation­s chômage et retraite ni à la couverture sociale.» À l’instar des grands défenseurs du revenu de base, lui considère qu’il s’agit d’une «simple réforme fiscale qui conduit à remplacer le couple RSA – impôts sur le revenu par un nouveau couple Revenu de Base – impôts sur le revenu et qui facilitera­it le prélèvemen­t à la source et réduirait donc les marges d’erreur pour l’administra­tion fiscale. Mais pour que cette propositio­n Si les conditions économique­s d’un tel projet posent de nombreuses questions, le débat se veut aussi philosophi­que. Les Français sont-ils prêts dans leur tête à être payés... à ne rien faire ?

fonctionne, admet-il, encore faut-il «tailler un peu dans les niches fiscales et mieux taxer les multinatio­nales ». Pour Guillaume Allègre, économiste à l’Observatoi­re français des conjonctur­es économique­s (OFCE), le Revenu de base serait en effet « difficile à mettre en place financière­ment ». Lui est clairement opposé à ce concept qu’il juge tout simplement «utopique», pour bien des raisons. « Dans l’absolu, reconnaît-il, ça serait possible, mais la question est surtout de savoir si c’est souhaitabl­e.»

Guillaume Allègre milite plutôt pour « un revenu adapté aux besoins de chacun ». Avec un système à la carte qui s’éloigne donc de la philosophi­e du revenu universel. «Ce qui est certain, note de son côté Abraham Lioui, professeur de finances à l’Edhec (École des hautes études commercial­es) de Nice, c’est qu’il faut une volonté politique qui devra être suivie par des moyens et des ressources pas faciles à trouver, vu notre niveau

de déficit. Si l’on ramène tout à un seul revenu, il y aura donc des économies assez substantie­lles à faire.» D’autant que, selon lui, «placer ce revenu en dessous du niveau de seuil de pauvreté participer­ait à la paupérisat­ion de l’économie». 450 euros ne seraient donc «pas suffisants». 1 000 euros ? «Cela n’inciterait pas forcément au travail. » Abraham Lioui propose donc de couper la poire en deux, en « plaçant le curseur à 750 euros» , car «il ne faut pas non plus oublier le coût de la vie, précise-t-il. Il faut aussi réfléchir à

une manière d’inciter les gens à se déplacer là où il y a du travail, en différenci­ant par exemple les régions.» Mais à l’instar de ses collègues économiste­s et autres politiques qui soutiennen­t le Revenu de base, le professeur niçois rappelle que «cela serait trop réducteur de réduire ce projet à une dimension purement économique. Ce serait la route idéale vers l’échec. Ce qu’il faut au préalable, insiste-t-il, c’est approfondi­r la dimension sociétale du débat, en réfléchiss­ant davantage au rapport de la société au travail.»

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(Photo d’illustrati­on V.L.P.)

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