Grasse: la fleuriste avait désarmé son braqueur
J’aimerais qu’il me regarde dans les yeux. » Patricia s’adresse avec fermeté mais sans agressivité à Thomas Noriega, 19 ans, tête basse dans le box du tribunal correctionnel de Grasse. Le 14 septembre, à 19h15, peu avant la fermeture de son commerce, Patricia, charmante fleuriste du quartier Saint-Jacques de Grasse, sert une dernière cliente. Un individu affublé d’un masque effrayant et d’une capuche pénètre arme à la main dans la boutique en hurlant: « La caisse salope! » « Il était tellement nerveux. Il m’a frappée », raconte Patricia qui pense surtout à protéger ses clients. « Je n’ai pas de fonds de caisse. Les clients payent pour la plupart en carte bancaire. Pour moi la seule issue était de l’évacuer de la zone sensible où il y avait une cliente avec son petit d’un an et demi. » L’effrayant malfaiteur place son arme sur la tête de la fleuriste. « Je l’ai alors frappé, j’ai arraché le masque, fait tomber l’arme et il a pris la fuite », raconte avec un étonnant sang-froid la victime. Marc Joando, le président du tribunal correctionnel est stupéfait: « Le tribunal salue votre courage, Madame.. Vous pratiquez un sport de combat ? »« Non. Je ne me laisse pas faire », explique la jeune femme blonde.
Prétexte futile
Noriega, physique d’adolescent, se justifie tant bien que mal. Plusieurs mois auparavant, il n’avait pu acheter des roses. Il lui manquait, dit-il 1,70 euros. C’est ce prétexte futile, inventé selon la commerçante, qui l’aurait poussé à commettre un vol à main armée accompagné d’un mineur. « J’avoue, j’ai mal réagi. Je suis une m… » Le président lui demande de surveiller son langage. « Je sors de cinq mois en psychiatrie. Si c’était à refaire, je préférerais avaler des médicaments et fermer ma bouche. » Un expert psychiatre décrit le prévenu comme « un psychopathe, une personnalité histrionique, volubile, dangereuse au sens criminologique du terme. » Le procureur Parvine Derivery s’appuie sur ces inquiétantes conclusions pour requérir trois ans de prison dont un an avec sursis et une mise à l’épreuve : « Ce dossier pourrait presque prêter à sourire avec une victime qui résiste avec autant de sang-froid face à un agresseur en pleine déconfiture, constate l’accusation. La situation est grave et inquiétante pour ce jeune garçon. Il se présente en total décalage avec les faits qu’on lui reproche. Pour une contrariété, une frustration, il va prendre une arme et se venger plusieurs mois après. ». En défense, Me Géraldine Hiriart évoque « une affaire regrettable, grave » mais se dit « abasourdie » par de telles réquisitions : « Il a à peine 18 ans, n’a pas de casier judiciaire. La maison d’arrêt de Grasse n’est pas un établissement de soins particulièrement efficace. » Le tribunal suivra finalement les réquisitions. Thomas Noriega, qui redoutait tant la prison, y est conduit immédiatement.