Monaco-Matin

Ève, l’itinéraire terroriste d’une ado niçoise convertie

La mère de la jeune Niçoise récemment incarcérée pour ses liens avec Daesh, explique, via son avocat, comment sa fille lui a échappé. Retour sur le parcours d’une adolescent­e de 17 ans

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Àla souffrance de voir sa fille, Ève (1), Niçoise de 17 ans incarcérée à Fleury-Mérogis, s’ajoute la violence des commentair­es sur les réseaux sociaux. Des propos haineux parfois. La mère d’Ève, vouée aux gémonies quand sa fille a été mise en examen pour « associatio­n de malfaiteur­s en lien avec une entreprise terroriste », vit un cauchemar depuis des années.

« Un dossier grave »

Sa fille, l’une de ses quatre enfants, a été repérée par la Direction générale de la sécurité intérieure. L’adolescent­e était en contact, semble-t-il, avec Rachid Kassim, djihadiste roannais parti en Syrie, recruteur actif via la messagerie cryptée Telegram. Elle aurait également facilité les échanges entre Kassim et l’une de ses amies de 19 ans, déjà connue de la police pour avoir tenté de rallier la Syrie. Toutes deux envisageai­ent-ils de s’attaquer à des policiers ou des militaires ? Elles s’en défendent malgré des éléments probants. Le procureur de Paris, François Molins, l’évoque comme étant « le dossier le plus grave qui lui est remonté de Nice depuis le 14 juillet ». La mère d’Ève a chargé Me Nathalie Ruiz, son conseil, de rappeler le combat qu’elle menait depuis des mois pour renouer les liens avec sa fille. Ève est née d’une mère niçoise et d’un père marocain. En situation irrégulièr­e, il avait été condamné pour des violences conjugales avant d’être expulsé.

Le décès d’un père marocain

« Ève allait voir régulièrem­ent son père au Maroc jusqu’à son décès en 2011, qui marque le début de sa conversion », explique Me Ruiz. Ève a 12 ans et trouve auprès de sa famille paternelle, notamment sa tante installée à Nice, un appui dans sa foi islamique. Au fil des mois, la jeune fille s’éloigne de sa mère, se fait remarquer dans son lycée de la Madeleine pour son absentéism­e. Des tensions naissent notamment quand sa mère tente d’arracher le voile de sa fille qu’elle souhaite porter au lycée. L’adolescent­e fugue et se réfugie chez sa tante. Sans nouvelle de sa fille mineure, la mère dépose une plainte classée sans suite. Pire, la tante demande à la justice une délégation de l’autorité parentale. Demande refusée en mai dernier. «Ma cliente était affolée , insiste Me Ruiz. Elle sentait bien que sa fille se radicalisa­it en abandonnan­t le voile pour l’abaya (2). Sa tante se présentait comme la tutrice de sa fille devant le proviseur du lycée. Lycée dont Ève sera déscolaris­ée en décembre 2014. » Redoutant un départ à l’étranger, la mère d’Ève demande et obtient une opposition de sortie du territoire valable six mois et renouvelab­le. « On vient d’apprendre que le procureur de la République avait saisi le juge aux affaires familiales mais entre-temps, Ève avait été interpellé et incarcérée. » Autant de précisions pour répondre aux attaques ultraviole­ntes et anonymes des réseaux sociaux. La mère d’Ève, agressée, salie, veut alerter les autres parents sur le basculemen­t d’une enfant qui projetait un attentat. Une fille incarcérée qu’elle espère, un jour, malgré tout, serrer à nouveau dans ses bras.

1. Le prénom a été modifié. 2. Robe longue, ample, qui couvre le corps excepté le visage, les mains et les pieds.

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(Photo AFP et DR) Ève était en contact, semble-t-il, avec Rachid Kassim, djihadiste roannais parti en Syrie.
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Me Nathalie Ruiz, conseil d’une mère effondrée.

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