Intempéries du octobre : tempête dans les coeurs
À la une La population a été exposée à un stress majeur lors de ces événements tragiques. Conséquence : un quasi doublement des infarctus dans les 15 jours suivants
Le stress n’est pas bon pour la santé. Une lapalissade ? J’en conviens. Mais c’est aussi un euphémisme, si l’on en croit les observations d’une équipe de médecins azuréens. Dans les 15 jours qui ont suivi les intempéries exceptionnelles du 3 octobre 2015 dans les Alpes-Maritimes, des acteurs de santé sur le terrain étaient alertés par des faits inquiétants. « Un nombre inhabituellement élevé de personnes se plaignant de douleurs thoraciques est arrivé aux urgences des hôpitaux situés dans la zone la plus touchée par les inondations, Antibes, Cannes et Grasse», relate le Dr Laurent Jacq, cardiologue à l’hôpital d’Antibes. Fort de ce constat, le spécialiste a choisi d’aller plus loin en menant une véritable enquête(1). « On a comparé la période de 15 jours précédant les intempéries à celle qui les a suivies. On n’a pas noté de différences significatives concernant la fréquentation des urgences, ni le nombre d’hospitalisations en aval des urgences de ces trois hôpitaux. Par contre, le nombre de patients consultant aux urgences ou hospitalisés pour motif de douleur thoracique était nettement augmenté (+45%). » Des douleurs associées à des pathologies graves : des syndromes coronariens aigus (artères sténosées à 99 %), synonymes de menaces d’infarctus imminentes. « Le stress aigu augmente la pression artérielle et les forces de cisaillement dans les artères. Il a aussi des effets neurohormonaux et stimule la coagulation. Les plaques d’athérome deviennent instables, se fracturent, et il existe alors une menace d’infarctus», explicite le cardiologue. Si l’étude qu’il a conduite est la première de ce type réalisée après des intempéries, plusieurs publications confirment les effets néfastes d’une exposition à un stress violent et brutal, comme un tremblement de terre, une attaque terroriste, voire une finale de coupe du monde. «Les plus vulnérables sont les personnes qui ont des antécédents coronariens. Aussi est-il très important que, confrontées à des événements de cette nature, elles puissent, dans la mesure du possible, se protéger en se mettant au calme, en évitant de regarder les images en boucle à la télé...». S’il était nécessaire, ces études confirment aussi la pertinence des mesures d’organisation exceptionnelle de type plan blanc, telles que notre système de santé les prévoit. « Là, ce sont 20 000 habitants qui ont été touchés, nous permettant de faire face aux dizaines de patients supplémentaires victimes d’événements cardiovasculaires, insiste le Dr Jacq. Confrontés par exemple à un tremblement de terre sur la région niçoise de 300 000 habitants, nous devrons être prêts à assurer la prise en charge en urgence d’un nombre potentiellement très important de syndromes coronariens aigus.»
(1) Étude réalisée en collaboration avec les hôpitaux de Cannes et de Grasse, et l’Institut de Veille Sanitaire (InVs). (2) Plaque jaunâtre, essentiellement constituée de cholestérol, déposée sur les parois des artères.