Autodafé
Hier s’est ouvert ce qui sera sans doute le dernier Mondial de l’automobile. Car on ne voit pas pourquoi on s’obstinerait à proposer à d’infortunés citoyens qui ne disposent plus de pouvoir d’achat ni de liberté de circuler ces produits manufacturés mis au ban de la société. Déjà dimanche dernier, la «journée sans voiture» qui a été un gros succès de métro avait laissé deviner un renoncement définitif. Plus question d’user d’un transport individuel même s’il a été l’une des plus belles conquêtes du XXe siècle. Il n’y a plus qu’aux véhicules électriques qu’on promet un succès sans bornes. Guère encourageant. Quel que soit le volant derrière lequel on s’installe, on est accusé de hâter la fin de l’espèce humaine sans autre espoir de ralentissement que le corbillard hippomobile. Essayez donc, dans ces conditions, de vendre des échappements qui ont cessé d’être libres, des compteurs de vitesse bloqués à l’allure d’un piéton fatigué et des réservoirs dont le remplissage constitue un crime contre l’humanité. Il conviendrait de fermer dans l’ordre les usines, les garages, les parkings. Tout au plus les équipementiers seront-ils autorisés à fabriquer sous forme de meubles de salon des banquettes garnies d’airbag en guise de coussins à l’usage des nostalgiques du moteur à explosion et rappelant la façon dont on se
déplaçait au bon vieux temps.