Vladimir Fédorovski: Poutine, notre allié…
L’ancien diplomate russe, devenu écrivain à succès, donne une conférence sur la Russie d’hier et d’aujourd’hui, au Novotel Montfleury de Cannes demain soir. Rencontre
Il roule des R comme un tambour, animé par la passion de sa chère Russie. Francophile absolu, ancien diplomate, Vladimir Fédorovski est un observateur avisé de la scène internationale, en particulier de sa terre natale. À l’occasion de la sortie, le 20 octobre, de son nouveau livre, Dictionnaire amoureux de St-Petersbourg (édition Plon), le romancier est à nouveau l’invité de l’Association des conférences d’enseignement supérieur de Cannes (ACESC), ce mardi soir à 18 heures au Novotel Montfleury (entrée: 5 à 15 euros) afin d’évoquer «Les mystères de St-Petersbourg, de Raspoutine à Poutine» .Etderéhabiliter le premier, sans disqualifier le second… Question de préfixe?
Votre nouveau livre est une déclaration d’amour à la Russie, d’hier à aujourd’hui ? Je viens en parler sur la Côte d’Azur en priorité, parce que les Russes ont toujours eu une affinité particulière avec cette région. Mon dictionnaire amoureux de StPetersbourg veut avant tout faire rêver, avec cette devise: mystère, amour, évasion.
Il s’agit aussi d’anniversaires? Oui, il s’agit des cent ans de la Révolution russe, des ans de la chute du communisme et de la fin de l’URSS, une autre révolution sans effusion de sang, ce qui est un miracle. Mais je révèle certaines faces cachées de cette période, où j’ai été porte-parole des anti-putschistes. C’était une période de grand malentendu: les Américains étaient persuadés d’avoir gagné la guerre froide, Alors que c’était en réalité Gorbatchev qui avait consciemment mis fin à la terreur communiste. Et au lieu d’associer la Russie à l’Europe, le message c’était: la Russie doit s’écraser! En réaction, nous avons Poutine… A terme, Poutine peut être dangereux, mais le comparer à un Hitler des temps modernes est une aberration intellectuelle. C’est un ancien officier du KGB, pragmatique et objectivement, il a sauvé Damas de l’invasion d’AlQaïda. Ce n’est pas ma tasse de thé, vous le savez, mais pour l’instant, il faut faire avec Poutine et surtout le peuple russe, afin qu’il ne devienne pas un ennemi de l’Occident. L’écrivain préféré de nombreux Français est Tolstoï, et c’est Balzac pour les Russes. Il existe un lien naturel entre ces deux pays, qui ne doivent pas aller à la confrontation. Comme le dit Fillon, mais aussi d’autres hommes politiques avant lui, la Russie est l’allié irremplaçable aujourd’hui.
Malgré les bombardements meurtriers sur Alep? Vous savez, la troisième guerre mondiale a commencé, alors il ne faut pas se tromper d’ennemi. Staline était un monstre, mais les Occidentaux ont dû s’allier avec lui pour vaincre l’Allemagne nazie. Pour Poutine, il ne s’agit pas de soutenir Assad, mais de défendre nos intérêts en Syrie. Là-bas, les Américains se sont trompés conceptuellement en fournissant des armes aux rebelles d’Al-Nosra (une ancienne émanation d’AlQaïda), au nom d’une alliance avec un Islamisme modéré, qui n’existe pas plus qu’un bolchevisme modéré! Et il est très inquiétant de vouloir faire un nouvel Afghanistan en Syrie. Il faut également tirer les leçons de ce qui s’est produit en Libye et en Irak.
Poutine, mais aussi Raspoutine? Je le réhabilite. Il était pour l’entrée de la Russie dans la première guerre mondiale, seul contre tous car la Russie n’y avait pas d’enjeu. Il a également soigné plein de pauvres et a poussé les réformateurs du pays, mêmes si ça n’a pas suffi. Vous savez, la Terreur rouge, ce sont millions de morts sous l’ère de Lénine-Trotsky-Staline. À la chute du mur de Berlin, % des Russes étaient prooccidentaux. Aujourd’hui, malheureusement, le rapport tend à s’inverser…