Idées
Une chaîne de hiérarchie raccourcie, des salariés qui évoluent en autogestion, le concept d’entreprise libérée permet de repenser un mode de management traditionnel
Pour la dixième édition du Cycle Innovation & Connaissance, Skema Business School a opté pour la disruption, qu’elle soit dans la façon de penser, de manager, ou dans les business models. Demain, le premier petit déjeuner de la rentrée s’attaquera à l’entreprise libérée, une expression très à la mode. Sophie Botte, professeur de management stratégique des ressources humaines et de comportement organisationnel à Skema Business School, a, quant à elle, libéré sa parole sur cette thématique.
Quelle est la définition d’une entreprise libérée ? La description formelle : c’est une organisation dans laquelle la majorité des salariés sont libres, responsables des actions qu’ils jugent meilleures pour l’entreprise. L’entreprise libérée se base sur l’idée que les hommes ont besoin de s’autodiriger. En accordant toute autonomie à des équipes qui, sur le terrain, Sophie Botte, professeur à Skema Business School.
savent beaucoup mieux ce qu’il faut faire que leur hiérarchie, on va générer de la performance, de la surproductivité mais aussi de la satisfaction chez les salariés. Conséquence, on on supprime les contrôles inutiles et le poids de la hiérarchie.
Toutes les entreprises peuvent-elles se libérer ? En théorie, oui. En France, on a des exemples qui vont de l’équipementier automobile Favi au biscuitier Poult en passant par Chronoflex. Des grands groupes comme Mulliez, Michelin, s’y intéressent. En Belgique, il y a un ministère, celui de la Sécurité sociale, qui s’y est mis... Certaines entreprises l’appliquent depuis toujours. Elles n’ont même pas conscience qu’elles le font. Dans l’Hexagone, le terme d’entreprise libérée a été popularisé par Isaac Getz, professeur à l’ESCP Europe, à partir de .
Pourquoi adopter ce mode de fonctionnement ? Cela vient du dirigeant, de ses valeurs et de sa vision de l’entreprise. En général, il s’agit d’un patron au bord de la crise qui, suite à une baisse très importante de son chiffre d’affaires, met en place ce fonctionnement. Cela peut aussi être dû à un changement de pdg, un rachat, à une prise de conscience et remise en question sur une façon de faire. On ne peut pas libérer l’entreprise s’il n’y a pas une volonté et une implication du dirigeant qui s’est débarrassé de son ego en abandonnant son pouvoir de décision. Il peut se focaliser sur la stratégie.
Tout le monde peut-il s’autodiriger ? Non. C’est un système très exigeant car c’est l’autonomie perpétuelle. “Je fais ce que j’estime le mieux pour l’entreprise. Je dois le penser à chaque instant dans mes interactions avec mes collègues.” Il faut beaucoup d’autodiscipline, savoir prendre des décisions et aimer en prendre. Certaines personnes préfèrent être dirigées et cela peut occasionner des démissions car elles ne se reconnaissent pas dans une entreprise libérée. A l’opposé, les générations X, Y, Z recherchent une ligne managériale très raccourcie avec des équipes qui s’autogèrent et qui cooptent des leaders.
Y a-t-il beaucoup d’entreprises libérées ? C’est encore marginal : une étude de sur pays évalue à % le nombre d’entreprises libérées. Certaines boîtes le font à %, d’autres partiellement. En revanche, je constate qu’on abandonne le terme “libéré” pour lui préférer l’expression d’“entreprise responsabilisante” ou “responsabilisatrice”. Le plus intéressant est la façon dont l’entreprise questionne le comment on pourrait travailler ensemble. Les sociétés auxquelles on se réfère tout le temps quand on parle d’entreprise libérée ont poussé le curseur à un extrême mais cela va en inviter d’autres à réfléchir sur comment travaillonsnous ensemble, quel rapport au travail peut-on insuffler chez nos collaborateurs. Petit déjeuner, de 8 h à 10 h, animé par Valerie Blanchot sur le campus de Skema Business School Sophia. Rens. maryline.combes@skema.edu