Le trafic aérien trop polluant?
Une association niçoise monte au créneau. Elle réclame une analyse indépendante pour mesurer l’impact, sur la santé des Azuréens, de la pollution émise par le transport aérien
Il est urgent d’éloigner les populations des aéroports! » Celui qui parle n’est pas un farfelu. Le professeur Dominique Belpomme est un éminent scientifique, président de l’Association française pour la recherche thérapeutique anticancéreuse. C’est bien le niveau de pollution autour de l’aéroport de Nice, et son impact sur la santé, qui inquiètent également Claude Benitah et Christian Basso, de l’Association de sauvegarde des sites du Mont-Boron, MontAlban, cap de Nice et Col de Villefranche. Ils tirent la sonnette d’alarme et réclament des analyses indépendantes.
« C’est tabou ! »
« La pollution sur l’aéroport? C’est tabou! », proteste Claude Benitah, ancien militaire qui fut commandant de bord-instructeur du Glam, le Groupe de liaisons aériennes ministérielles. Il a piloté plusieurs présidents de la République. « Dès que nous interrogeons l’aéroport, on met une serviette par-dessus et on nous dit qu’on fait des études, qu’on est en train de voir. » Le délestage d’un Boeing, la semaine dernière au-dessus de la forêt de Fontainebleau – procédure légale en cas de problème – a relancé la polémique sur la pollution générée par l’aérien. D’autant qu’un rapport publié ces jours-ci par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) révèle que 92 % de la population mondiale respire un air trop pollué. « Je souhaiterais un état des lieux sanitaires. Aux autorités de nous dire ce qu’il en est réellement à Nice. Si on arrivait à colorer le flux qui sort des réacteurs, je pense que les gens déménageraient tous, affirme Claude Benitah. Un réacteur ce n’est pas comme une voiture diesel auquel on met un filtre. Là, pas de filtre, cela part directement dans l’air. » La Fondation Nicolas Hulot a pointé le problème en mai dernier. Elle relève que le transport aérien n’est à ce jour concerné par aucun des mécanismes mis en place pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il n’est, de surcroît, pas couvert par l’accord de Paris sur le climat. « Les progrès en termes d’efficacité énergétique ont permis de réduire les émissions de CO2 par passager de 35 % entre 1990 et 2013, mais le volume global s’est accru de plus de 60 % dans le même temps. Et selon les constructeurs, il devrait tripler d’ici à 2030, pour atteindre une part équivalente à 20 % des émissions de gaz à effet de serre en 2050. Ces perspectives de croissance sont incompatibles avec l’objectif de stabilisation du climat à +2° », relève la Fondation Hulot.
Trois fois plus polluant que la voiture
L’avion est le moyen de transport le plus polluant. Par passager et par kilomètre parcouru, il est trois fois plus nocif pour le climat que la voiture. Claude Benitah, président de l’association niçoise, estime qu’il s’agit « d’un vrai problème de santé publique ». En 2004, l’Inserm révélait que vivre à proximité d’une station d’essence multiplie par quatre le risque de leucémie des enfants. Elle avait été réalisée sur quatre villes françaises, Paris, Lille, Lyon et ... Nice. Or l’aéroport est une giga station-service. « Il ne fait aucun doute que les zones aéroportuaires sont hyperpolluées », avait relevé il y a quelques années le professeur Belpomme, évoquant ces conclusions. L’aéroport Nice Côte d’Azur, de son côté, se défend d’être un pollueur hors normes (lire ci-dessous). Il met en avant ses progrès, réels, en matière de consommation carbone. Peu de données existent sur la pollution réelle engendrée par ces mouvements de dizaines de milliers d’avions qui décollent et atterrissent toutes les deux minutes sur l’aéroport de Nice. Produisant ainsi des particules polluantes ainsi que des gaz à effet de serre. « De la transparence, de la vraie transparence, c’est ce que nous réclamons », conclut Claude Benitah.