Le « non » surprise met la paix avec les Farc en suspens
Les Colombiens ont rejeté l’accord de paix visant à clore 52 ans de conflit avec les Forces armées révolutionnaires qui sont prêtes à rectifier le texte
Le gouvernement de Colombie et la guérilla des Farc assuraient, hier, que la paix n’était « pas vaincue », malgrélecamoufletinfligélaveilleavec le rejet inattendu par référendum de l’accorddefinduconflitarmédéchirant ce pays depuis un demi-siècle. «Celanesignifiepasquelabataillepour lapaixaétéperdue», aaffirméTimoleon Jiménez,leaderdelarébellionmarxiste desForcesarméesrévolutionnairesde Colombie(Farc),depuisLaHavane,où se sont tenus les pourparlers de paix pendant près de quatre ans. Admettant sa disposition à «rectifier» l’accord de paix rejeté, il a assuré que laguérillaresterait « fidèle à ce qui a été accordé » et maintiendrait « le cessez-lefeu bilatéral et définitif afin de soulager lesvictimesduconflitetrespecterl’accord avec le gouvernement ». De son côté, le président Juan Manuel Santos a convoqué tous les partis politiques au palais Casa de Nariño « pour les écouter, ouvrir des espaces de dialogue et décider du chemin à suivre ».
Des erreurs
« Je ne me rendrai pas et continuerai à rechercher la paix jusqu’au dernier jour de mon mandat car c’est le chemin pour laisser un pays meilleur à nos enfants », avait-il sobrement déclaré dimanche, dèsl’annoncedesrésultatsmontrantun écheccuisantpourcedirigeantdontla paix est le fer de lance depuis son arrivée au pouvoir en 2010. Tout en affirmantque «lapaixn’apasétévaincue», le chef des négociations avec les Farc, Humberto de La Calle, a proposé, hier, sa démission. « Les erreurs que nous avons pu commettre sont de ma responsabilitéexclusive», a-t-il déclaré, saluant un président Santos « courageux car il apréférélapaixàl’inertiedelaguerre». Alors que la plupart des sondages prédisaientunelargevictoiredu“oui”,c’est le “non” qui l’a emporté avec 50,21 % des voix contre 49,78 %, lors d’un scrutin marqué toutefois par une forte abstention de 62%. Le résultat met en évidence une Colombie divisée quant à la façon de clore la plus ancienne confrontationarméedel’hémisphèrenord. Au fil des décennies, ce conflit complexe a impliqué les Farc, principale guérilla du pays issue en 1964 d’une insurrection paysanne, mais aussi d’autres rébellions d’extrême gauche, des milicesparamilitairesd’extrêmedroite etlesforcesarmées.Cetteguerrefratricide, dont les régions isolées et pauvresportentencorelesstigmates,afait plus de 260 000 morts, 45 000 disparus et 6,9 millions de déplacés par la violence.
Triomphe d’Uribe ?
Le camp du “non” était mené par l’exprésident et actuel sénateur de droite Alvaro Uribe, avec comme principaux arguments que les guérilleros démobilisés ne devraient pas participer à la vie politique, mais tous aller en prison au lieu de bénéficier de peines alternativescommeleprévoyaitl’accordpour ceux avouant leurs crimes. Le résultat « peut être vu comme un triomphe d’Uribe »,adéclaréàl’Agence France Presse la politologue Arlene Tickner de l’Université du Rosario, à proposdel’ex-chefdel’Etat(2002-2010), dont M. Santos, qu’il qualifie maintenant de «traitre», aétéministredelaDéfense au moment d’une lutte tous azimuts contre les Farc. L’accord avec les Farc bénéficiait du soutien de la communauté internationale,quin’apastardéàréagir:François Hollande a exprimé, hier, son « plein soutien » au président colombien Juan ManuelSantosetsalué «soncouragepolitique », tandis que le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a annoncé sadécisiond’envoyer « en urgence » un émissaire spécial à La Havane, le Français Jean Arnault, « pour poursuivre les consultations » à ce sujet.