Les élus veulent suivre de près les négociations
Les conseillers nationaux sont tous dans l’attente des négociations avec l’Union européenne dont ils devront ratifier les accords. Ils réclament une communication claire et transparente
L’Europe inquiétante? Menaçante? Effrayante? Ou au contraire salvatrice, génératrice de prospérité et de développement? Les accords ne seront certainement pas à interpréter selon un mode binaire du tout mauvais ou tout bon. Si le gouvernement ne dit mot sur ce qui se trame dans le cadre des négociations entre la Principauté et l’Union européenne, les choses avancent. Elles avancent même à une bonne cadence, et le Brexit n’a pas eu l’effet de ralentisseur que l’exécutif pouvait imaginer, du moins juste après le référendum des Britanniques en juin dernier. Mardi soir au Conseil national, dans le cadre de la deuxième séance du budget rectificatif, gouvernement et Conseil national se sont mis d’accord pour communiquer et échanger le plus possible, d’abord pour chasser les peurs, ensuite pour trouver des solutions là où elles semblent a priori difficiles, voire impossibles aux yeux de certains. Carole Rougaignon-Vernin a lancé la discussion: «Je suis membre associé du comité des professions réglementées. Je comprends les craintes de mes collègues [principalement les avocats, les expertscomptables, les notaires, les architectes, les médecins] mais la branche [l’industrie pharmaceutique, NDLR] que je représente se trouve, elle, avoir besoin de trouver des accords pour continuer à se développer. Tout le monde doit pouvoir trouver son compte. Nous devons concilier ces deux piliers et en faire la base du Monaco de demain. Plus que jamais, il faut que notre communauté soit soudée. Les raccourcis de rejet de l’Europe font fausse route. Les raccourcis pro-Europe aussi.» Bernard Pasquier (Union Monégasque) tempère: «Il faut garder la tête froide et ne pas s’emporter.» Et il sait aussi piquer là où ça fait mal: «Être Monégasque n’est pas un métier.»
«Lignes rouges», «chiffon rouge»
Oui, il y a «des lignes rouges» et «une priorité nationale à défendre», pour reprendre les mots de Jean-Michel Cucchi (UP). Mais il y a aussi des perspectives de développement exceptionnelles. Le ministre d’État Serge Telle souligne d’emblée: «Le principe de l’accord ne prévaudra pas sur son contenu. Chacun à votre niveau, vous avez raison de dire qu’il peut y avoir un peu d’inquiétude. Mais la signature d’accords peut apporter à Monaco un avenir pour les cinquante prochaines années.» Jean-Charles Allavena a été le seul, mardi soir, à dire publiquement ce qui avait pu être échangé entre les conseillers nationaux et des représentants des professions réglementées lors d’une réunion informelle au Conseil national le 26 septembre dernier. «Nous avons été surpris, stupéfaits, choqués d’apprendre par les professions réglementées que le gouvernement renoncerait à la priorité nationale. Estce que vous avez dit cela à ces professions, alors que le message du souverain est totalement à l’opposé? Et alors que vous nous avez dit le contraire lundi soir? Le thème de l’Union européenne va être manipulé à plaisir par des gens qui veulent ouvrir dès aujourd’hui la campagne 2018 et agiter des chiffons rouges: il faut donc communiquer sans cesse pour contrer cette démarche anxiogène et rappeler les paroles du souverain, qui sont la ligne que, à ma place, je défends et défendrai. Et n’oublions pas les autres thèmes de la négociation: les entreprises pour lesquelles ces accords sont une opportunité.»
Europe et élections
Laurent Nouvion (Horizon Monaco), quant à lui, a rappelé le cadre légal: la Constitution comme «fil directeur». «Dans les mois qui viennent, cet accord va se mettre petit à petit en place. Ce qui est essentiel, c’est son contenu qui doit préserver ce que nous sommes. Les compatriotes nous questionnent. Ils sont inquiets. Il y a un gros travail de communication à faire. Il serait bon qu’on se réunisse de façon exceptionnelle et tripartite : gouvernement, Conseil national et professions réglementées. “Une ratification” est indispensable par le Conseil national. Il est important que nous soyons très vigilants.» Ce travail de communication, tout porte à croire que Serge Telle le fera. Il s’est dit favorable à des réunions multipartites. «Il faut parler et encore parler; organiser des réunions afin que la parole publique puisse être partagée et non déformée, des séminaires avec les professions concernées. Il faut regarder tout ce que l’Europe peut apporter; pour nous et pour nos enfants. Nous ne toucherons pas à la constitution. Il faut faire circuler l’information.» Mais le ministre d’État voit bien poindre les démarches politiciennes. Et il alerte: «Ça ne doit pas être un objet de la prochaine campagne électorale. Je vois bien qu’il y a un jeu politique qui peut se tramer. C’est dans l’intérêt de personne.» Pour le président du Conseil national Christophe Steiner, la perspective de réunir l’exécutif et le législatif avec les professions réglementées et les industriels permettra de « faire taire les méchantes mauvaises rumeurs».