Monaco-Matin

Olivier Py à Mouans: «Le livre peut sauver des vies »

En ouverture du Festival du livre, l’écrivain dramaturge revient dans le village de son enfance aujourd’hui pour une grande lecture publique de son dernier roman Les Parisiens. Plaisir, mais aussi engagement

- ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr

Atrente ans, il s’est révélé au grand public avec La Servante ,une pièce de 24 h (!) présentée au Festival d’Avignon, dont il a pris plus tard la direction. Alors ce n’est pas une lecture de son roman (les Parisiens) au Festival du livre, qui va faire peur à Olivier Py. Même si l’histoire de ce jeune provincial qui veut conquérir Paris avec une pièce fait forcément écho à sa trajectoir­e du dramaturge. Même si l’événement a lieu parmi les siens à Mouans-Sartoux, où l’auteur-acteur a passé toute son enfance. Intimité à livre ouvert, mais le personnage public est habitué à se mettre en scène. Voix haute. Et à donner le ton, sur tous les sujets. Une grande lecture de votre roman à Mouans, devant vos proches. Le trac comme avant une première à Avignon? Non, j’ai rarement le trac avant une lecture. Et je n’ai pas non plus perdu le lien avec les Mouansois et ma famille, car j’y reviens souvent. Mais c’est vrai que c’est un peu étrange de m’y produire dans un contexte profession­nel, et non pas comme le petit garçon que j’étais. C’est une métamorpho­se.

Une telle lecture, pour quelqu’un qui se dit aussi très mystique, ça relève aussi du rituel liturgique ? Non, je ne crois pas, c’est plus simple que ça. C’est un lien beaucoup plus direct du public avec un artiste ou un poète, mais ça n’est pas sacralisé. J’ai toujours adoré lire à haute voix, c’est aller à la rencontre des gens. Je crois que rien ne remplacera le livre. Je suis heureux de tenir une bibliothèq­ue universell­e dans la main, et d’accéder à autant de contenu avec mon index. Mais la sensualité, l’odeur et le toucher d’un livre sont irremplaça­bles, et je me suis construit avec.

C’est ici, avec votre ancienne prof de français, Mlle Barel, que tout a commencé… Oui. Avant Stanislas à Cannes, j’étais au collège des Campelière­s à Mougins où je me suis éveillé à la vie de l’esprit. J’étais bon élève, mais aussi passionné par l’école. Surtout les cours de français, je m’y rendais comme à une fête merveilleu­se. Un jour, Mlle Barel a fait intervenir une compagnie de théâtre en classe. Ce fut une rencontre déterminan­te. C’est pour ça que je continue de croire à l’éducation culturelle. Le livre, ça peut sauver des vies.

Dans les Parisiens, vous convoquez à la fois Balzac et Aragon avec votre héros, Aurélien? Oui, le prénom peut faire référence à Aragon, et la forme à Balzac. C’est un roman du XIXe au XXIe siècle, une grande fresque sur Paris. J’espère que ça se lit comme un roman d’aujourd’hui.

Certaines critiques sont très bonnes, d’autres assassines. Vous y êtes sensible? Les critiques, bonnes ou mauvaises, je ne les lis jamais, je m’en protège.

Votre roman évoque une Après la cité des papes, Olivier Py est de retour dans son village, pour le Festival du livre à Mouans-Sartoux.

courtisane­rie de mise dans les milieux culturels et lieux de pouvoirs. Vous êtes courtisan ? Dans un homme de théâtre, depuis Molière et Louis XIV, il y a toujours un côté courtisan car le théâtre reste le fait du Prince. Il faut quelque fois être rusé, mais j’ai conservé une totale intégrité dans le contenu de l’oeuvre.

Quels sont vos auteurs favoris? Dans les vivants, je citerais Pascal Quignard et Christian Bobin, que j’admire et qui m’aident

beaucoup. Chez les étrangers, l’italien Antonio Moresco. Et dans le Panthéon, forcément Shakespear­e, qui m’accompagne si souvent.

Artiste engagé, vous avez fait une grève de la faim contre le conflit en Bosnie. La Syrie? Quand j’étais directeur du théâtre de l’Odéon, j’ai fait ce que j’ai pu à l’époque où on pouvait encore agir, en y invitant les forces syriennes révolution­naires à rencontrer Alain Juppé, alors ministre des Affaires étrangères. Aujourd’hui, il

n’y a plus grand-chose à faire là-bas, mais il ne faut pas tergiverse­r sur l’accueil des réfugiés.

Lors des municipale­s, vous menaciez de quitter Avignon si le FN prenait la ville. Si Marine Le Pen accède au pouvoir national, vous quittez la France? On n’en est pas là ! Et je ne pense pas que ce sera le cas. Mais j’aurais du mal à vivre dans un pays qui aurait perdu toute raison et son héritage. Moi, j’aime la France, justement pour sa tradition d’accueil et de tolérance. C’est un mot hautement politique! Je suis transident­itaire et transfront­alier. Au fond, ce qui compte, c’est d’unir la Méditerran­ée. C’est un projet merveilleu­x, et si on n’y arrive pas sur le plan politique, faisons-le au moins par la culture. Ça modifiera la géographie de l’Europe du Sud.

Le thème du Festival, c’est Vivre. Mais vous avez confessé avoir souvent flirté avec la mort ? Oui. Je crois que les gens qui ont une très grande énergie de vivre, ont aussi une grande force destructri­ce en eux. Et puis ma génération a beaucoup traversé la mort, avec le sida, l’overdose, le suicide… je suis un peu dans la psychologi­e du survivant.

Le livre de votre vie? Banalement, A la recherche du temps perdu. Mais je citerais aussi La mort de Virgile, de Hermann Broch. C’est le livre qui parle le plus profondéme­nt de la littératur­e, de son impossibil­ité, et en même temps de sa nécessité.

Vous vous qualifiez de « graphomane ». Écriture? Je pense d’abord écrire pour le théâtre, après deux ans d’écriture consacrés à mon roman. J’écris toujours, tout le temps, même si je tapote plutôt que je graphe. Pour écrire, il faut écrire tous les jours. Ce n’est pas forcément un salut. Mais ça donne un livre.

 ?? (Photo Christophe Raynaud de Lage) ?? À l’heure des tablettes, le livre reste un objet sacré? Vous vous dites avant tout Méditerran­éen?
(Photo Christophe Raynaud de Lage) À l’heure des tablettes, le livre reste un objet sacré? Vous vous dites avant tout Méditerran­éen?

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