Le casse-tête des primaires
Un casse-tête, décidément, cette élection primaire républicaine! Qui donc a le droit d’y participer ? Tout le monde, disent à l‘unisson Alain Juppé et François Fillon, à condition d’avoir signé une « charte de l’alternance », de s’être donc publiquement prononcé pour les valeurs de la droite et du centre, et payé la modique somme de €. Non, seuls les électeurs de la droite pourront voter, plaide au contraire Nicolas Sarkozy, qui dénonce comme une sorte de « parjure » l’appel de ses concurrents à l’électorat de gauche. On comprend bien que les intérêts des premiers et du second sont différents. Le coeur de cible de Nicolas Sarkozy, ce sont les militants, les cadres du parti et les proches sympathisants du mouvement Les Républicains, qui lui ont toujours été fidèles et qui, aujourd’hui encore, sont présents lorsque, d’un côté à l’autre de l’Hexagone, l’ancien président de la République multiplie les meetings ou les signatures de son dernier livre. Moins vénéré au sein de son mouvement, mais bénéficiant d’une plus grande popularité auprès des Français, Alain Juppé, en tête dans les sondages nationaux, compte certes sur les électeurs républicains, mais aussi, au-delà, sur ceux du centre, et pourquoi pas sur les « déçus » du hollandisme, pour étendre le corps électoral de la primaire. L’équation est assez simple : si seuls les militants s’en vont aux urnes, Nicolas Sarkozy est sûr de l’emporter. Si en revanche, les électeurs qui ont l’habitude de voter au centre, ainsi que tous les autres, ceux qui ne veulent plus de Sarkozy ni de Hollande, d’où qu’ils viennent, se déplacent, Alain Juppé est assuré de sa victoire. De toute façon, filtrer les votants est tout simplement impossible. Comment s’en aller vérifier, à l’entrée des bureaux de vote que tel électeur, telle électrice, possède la carte de LR, celle du Modem, du FN ou du Parti socialiste ? Plus difficile encore de savoir quel vote il a émis en ou ? Qui n’a pas un jour changé de vote ? La gauche, par exemple, a dans sa quasi-unanimité voté pour Jacques Chirac contre Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle de , comme elle s’est prononcée en faveur de Christian Estrosi contre Marion Maréchal-Le Pen aux régionales Paca de . Comme l’a dit, hier, François Fillon, « il n’y a pas de carte d’identité politique ». La règle du jeu est que cette primaire est ouverte. Aucun des candidats n’est en mesure, aujourd’hui, de la limiter à certains Français pour la refuser à d’autres. Tel sera d’ailleurs le cas de toutes les élections primaires à venir, celle des Verts, à laquelle pourra participer qui le veut, et, encore plus celle des socialistes. S’y rendront, s’ils le veulent, des électeurs venus de la droite, libres de voter Montebourg pour éviter François Hollande, ou d’accorder leurs suffrages à Benoît Hamon parce qu’ils le préfèrent à Montebourg. Ainsi vont les primaires. Elles sont entrées dans les moeurs politiques. Mais, même s’il ne faut pas surestimer le nombre des électeurs transfuges, elles échappent à leurs organisateurs.
« Même s’il ne faut pas surestimer le nombre des électeurs transfuges, les primaires échappent à leurs organisateurs. »