Le tueur à Québec d’un Laurentin de ans interné pour ans
Joachim Aracil et son épouse Arlette, un couple de retraités laurentins, avaient été agressés par un malade mental alors qu’ils rendaient visite à leur fille. L’auteur échappe à la prison...
Il a pris l’avion pour aller voir ses petits-enfants et il n’est jamais revenu », résume tristement Roger Aracil. Son père Joachim, a sauvagement été tué, le 12 juillet 2015. Ce Laurentin de 82 ans, ancien chauffeur des fameux « TN », les transports niçois, a été poignardé à mort à Québec, au Canada. Son épouse, Arlette, a également été grièvement blessée. L’auteur des faits, un homme de 42 ans, connu pour ses troubles psychiatriques, vient d’être déclaré pénalement irresponsable. Il échappe donc à la prison, mais pas à l’enfermement. « Le système pénal canadien est en effet totalement différent de ce qui se passe en France, explique Me Nicolas Gemsa, l’avocat niçois de la famille Aracil. Bien que pénalement irresponsable, Sylvain Fournier, a été reconnu comme étant un accusé dangereux lors d’une audience qui s’est tenue le 21 septembre. » Ce « schizophrène paranoïaque » va donc être interné durant les trente prochaines années. Une sanction vécue comme un «soulagement » par la famille azuréenne de Joachim Aracil, même si, pour elle, le combat est loin d’être terminé…
«Que la population soit préservée de ce fou»
«C’est un fou. Que voulez-vous? On peut lui en vouloir autant qu’on veut, ça ne changera rien, souffle Robert. L’important, insiste-t-il, c’est que la population soit désormais préservée de cet homme.» Et les Aracil vont eux-mêmes y veiller. «Car s’il demande une libération anticipée nous serons consultés.» C’est «un soulagement», pour Roger, un autre des frères Aracil qui rappelle que Sylvain Fournier était déjà connu de la justice canadienne. «En 2005, il avait agressé sa propre mère!» Il avait alors été une première fois déclaré pénalement irresponsable. Mais à l’époque, le statut de suspect à haut risque n’existait pas. Il avait donc été remis en liberté en dépit de ses troubles manifestes.
Persécuté par Walt Disney
«Cet homme se sentait persécuté, explique Me Gemsa. Il a déclaré que les familles Warner Bross et Disney voulaient le tuer pour récupérer les droits de ses films…» C’est peutêtre même ce qui a coûté la vie à Joachim Aracil. «Mon père portait une fine moustache comme Walt Disney», souffle Robert. Cela explique peut-être l’inexplicable : l’extrême violence dont a été victime le couple de retraités azuréens de la part d’un homme dont ils ignoraient tout. Arlette, qui a elle-même dû être hospitalisée trois mois au Canada avant de pouvoir enfin être rapatriée en France, raconte cette scène d’horreur. «Nous étions arrivés la veille à Québec. Ma fille, Christine, vit à six heures de là. Une de ses amies lui avait prêté son appartement. Après avoir visité toute la journée, on est rentrés vers 18 heures. Ma fille, son mari et leurs deux enfants nous ont dit de rester tranquilles, qu’ils allaient faire les courses. Heureusement qu’ils n’étaient pas là, souffle Arlette. J’étais en train de nous faire du thé quand j’ai entendu un cri. Je me suis retournée et j’ai vu cette montagne sur mon mari. Il l’avait tué. Je me suis jeté sur Joachim pour essayer de le protéger et il m’a frappé à mon tour avec son couteau. Heureusement qu’un voisin est intervenu, sinon je serais morte moi aussi…»
«Ersatz de sanction et manque de considération»
Ces moments d’effroi, Arlette ne les oubliera jamais: «Forcément ça reste dans la tête.» Et pour se reconstruire après un tel drame, les Aracil ne vont pas pouvoir compter sur l’aide des autorités canadiennes. «Encore une fois, le droit est différent, souligne Me Gemsa. Les ayants droit des victimes ne peuvent prétendre en tout est pour tout qu’à 30 séances de suivi psychologique et 3000 euros pour nettoyer la scène de crime!» Les Aracil ont également dû avancer les frais médicaux de leur mère. Ils ont même eu toutes les peines du monde à trouver un médecin référent qui accepte de la prendre en charge, une fois rapatriée en France. Roger se souvient encore de cette réponse, pour le moins «brutale», qu’il a reçue du ministère des Affaires étrangères le 13 juillet 2015. «Avec le décalage horaire, je n’ai appris ce qui se passait que le lendemain. J’étais désemparé. Je ne savais pas quoi faire. J’ai alors appelé le Quai d’Orsay. On m’a dit qu’ils ne pouvaient rien pour moi. qu’il fallait appeler notre représentation diplomatique au Canada. Et que comme nous étions à la veille du 14 juillet, je ne pourrai sans doute pas les joindre avant deux jours! Comme si ce n’était pas une urgence!» Le consulat n’aurait été guère plus diligent: «Ils nous ont dit que ce n’était pas leur affaire, mais celle des autorités canadiennes. Tout ce qu’ils voulaient savoir c’est si on acceptait de payer les frais de rapatriement du corps de mon père.» Pour Me Gemsa, «l’ersatz de condamnation» dont a écopé le coupable au Canada et le «manque de considération» des autorités françaises ne contribuent pas vraiment à reconnaître le statut de victime des Aracil. Voilà pourquoi l’avocat compte bien saisir la commission d’indemnisation des victimes d’infractions, dont la compétence ne s’arrête pas aux frontières de l’Hexagone.