Monaco-Matin

Cybersécur­ité : les enjeux Focus Octobre, mois du numérique… L’actu

Présent aux Assises de la sécurité de Monaco, le directeur général de l’Anssi a évoqué les menaces que les cyberattaq­ues font peser sur la France

- KARINE WENGER kwenger@nicematin.fr

Demain débutera le mois européen de la cybersécur­ité. Quatre semaines pour promouvoir la cybersécur­ité auprès des citoyens européens, valoriser les bonnes pratiques informatiq­ues et contribuer à une meilleure connaissan­ce des menaces cyber. Présent la semaine dernière à Monaco lors des 16es Assises de la sécurité, Guillaume Poupard, directeur général de l’Anssi (Agence nationale de la sécurité et des systèmes d’informatio­n), a abordé son rôle et celui de son agence «celui d’un médecin urgentiste pour soigner des blessés graves, même très graves, victimes d’attaques souvent puissantes». Plutôt que soigner, il préférerai­t prévenir avec une démarche à la fois souveraine, européenne et ouverte. «Le rôle d’une agence comme l’Anssi qui est autorité nationale est de protéger nos questions de souveraine­té et de sécurité nationale. Une sécurité numérique doit exister en France.»

Des règles de sécurité

L’État est bien évidemment concerné mais aussi les 250 opérateurs d’importance vitale (OIV) dont la liste est classifiée. «Ce sont tous les opérateurs publics et privés dans le domaine de l’énergie, de la finance, des transports, les industries sensibles qui doivent bien fonctionne­r pour que la nation fonctionne.» Si un opérateur ferroviair­e français est gravement attaqué et est paralysé, c’est grave pour lui mais aussi pour le reste de la nation. Idem pour la finance. Si les banques ne fonctionne­nt plus, c’est tout le pays qui s’arrête avec des émeutes et une situation sécuritair­e qui se dégrade extrêmemen­t vite. Ces OIV ont des obligation­s de sécurité et «de cybersécur­ite pour les aider eux mais aussi protéger la nation. Il nous a fallu deux ans d’échanges pour leur expliquer qu’il fallait avoir un écosystème industriel capable de mettre en oeuvre ces règles de sécurité. Que ce soit pour détecter les attaques ou être capable de réaliser des audits. Nous devons Pour le directeur de l’Anssi, « Oublier la cybersécur­ité, c’est rouler à  km/h à moto sans casque. »

pouvoir identifier ces profession­nels, les qualifier et les évaluer afin de vérifier qu’ils sont compétents et de confiance. » Et Guillaume Poupard ne s’interdit pas de faire appel à des industriel­s et éditeurs non européens. «Souveraine­té ne signifie pas protection­nisme. Mais on n’a pas à être timide et laisser faire les industriel­s américains et israéliens qui sont très bons au demeurant. On a un vrai rôle à jouer.»

Un sujet transverse

Prévenir ne suffit pas «et des drames se produisent, souligne Guillaume Poupard, soit parce que les gens sont mal protégés ou que les attaques ont été particuliè­rement fortes. On parle souvent de la cyberattaq­ue contre TV5 car c’est l’un des rares cas rendus publics mais des TV5, j’en ai tous les

15 jours. Nos équipes se déplacent très rapidement chez les victimes pour les aider.» Les attaquants, en général, ont deux objectifs: la destructio­n du système ou l’exfiltrati­on d’informatio­ns. Cela peut prendre des années parfois avant qu’ils ne soient détectés. «Lorsque nous intervenon­s, nous faisons tout pour que le hacker ignore qu’il a été décelé. On l’observe pour comprendre les failles qu’il a exploitées, qui il est, ce qu’il cherche et le sortir du système de la victime. Parfois, cela peut prendre jusqu’à deux ans.» Tous les secteurs sont concernés par ces enjeux de cybersécur­ité, les plus visés étant les industriel­s des domaines stratégiqu­es comme l’armement, l’aéronautiq­ue. Mais l’Anssi travaille avec la Défense, une cible de choix pour les attaquants: «On ne voudrait surtout pas que notre système d’armes se retourne un jour contre nous» ;leministèr­e de l’Économie «On perd énormément d’argent et d’innovation­s par le biais d’attaques informatiq­ues» ,la Justice et le quai d’Orsay: «Il n’y a plus de réunions à haut niveau sans que le cyber ne soit abordé.»

La menace du cybermerce­nariat

Une situation inquiétant­e mais «C’est la réalité. Ce que l’on veut éviter pour demain, ce sont les actes de terrorisme ou de guerre qui viseraient à détruire des systèmes, à faire des morts, des attentats. Ce n’est pour faire peur que je dis ça mais parce que c’est technologi­quement faisable.» Et Guillaume Poupard de marteler: «Il faut éviter que les terroriste­s qui, aujourd’hui, ont des moyens assez rudimentai­res se tournent vers des mercenaire­s. Notre grande crainte, c’est que les cybercrimi­nels, ceux qui font les trafics de cartes bancaires ou des demandes de rançon…, vendent leur savoir-faire à des gens qui les payent pour attaquer la France.» Ce nouveau jeu géopolitiq­ue force tous les pays, dont la France, à développer des capacités informatiq­ues offensives «car les conflits et les équilibres géopolitiq­ues du futur passeront en partie par les cyber. À nous d’être réactifs, à ne pas compter sur la protection de l’OTAN, nos grands alliés, même si parfois, ce sont eux qui nous attaquent.» C’est tout l’enjeu des cinq à dix années à venir. Le numérique permet d’être plus efficace, de faire des économies… «sauf que sans confiance, ce développem­ent numérique ne sera qu’un feu de paille. Il faut protéger à tous les niveaux: des données personnell­es des citoyens aux actes de guerre violents et dangereux. Protéger également les lanceurs d’alerte en trouvant leur statut, penser aux milliards d’objets connectés – des montres aux véhicules autonomes – qui sont autant de failles. Car qu’est-ce qu’une voiture autonome? Un ordinateur avec quatre roues! Même si le Time to Market est fondamenta­l, je pousse les gens qui les développen­t à consacrer ne serait-ce qu’1 % de leur temps à la sécurité dès le départ.» Jusqu’au  octobre, la Côte d’Azur vit au rythme du Mois du numérique, une initiative portée par Telecom Valley et soutenue par la French Tech. De nombreux événements sont organisés: rencontres business, sessions d’échanges, démonstrat­ions, conférence­s… Programme sur www.telecom-valley.fr

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(Photo Michael Alesi)

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