Pendant ce temps, Manuel Valls...
Il a particulièrement bien choisi son moment. Mercredi, alors que les Français découvraient avec stupeur les confessions hallucinantes de François Hollande à deux journalistes du Monde, Manuel Valls s’envolait pour un déplacement de quatre jours au Canada et à Saint-Pierre-etMiquelon. A Montréal, à mille lieues de l’hystérie autour des petites phrases du Président, Valls a commenté sans condamner. « Je regrette ces débats et l’ampleur qu’ils prennent », a-t-il sobrement souligné, assurant « mesurer les
conséquences » des propos du chef de l’État. Au pays du sirop d’érable, le Premier ministre boit du petit lait. A l’heure où certains – y compris chez les socialistes – se disent qu’en fin de compte, François Hollande pourrait bien renoncer à « y aller », Valls s’attache à faire comprendre qu’il se tient prêt. C’est le message qu’il a délivré en creux, mardi, à Matignon lors un déjeuner « informel » avec une poignée de représentants de la presse quotidienne
régionale. « Je suis loyal. » Entre deux bouchées, le Premier ministre a répété la même formule. C’est clair, contrairement à Macron qui « bâtit
une stratégie sur des décombres », Valls ne trahira pas. Il ne laissera pas pour autant passer sa chance. Monsieur « loyal » attend simplement son heure. « J’ai une action à mener jusqu’en mai, un bilan à défendre, pour qu’il reste quelque chose
de ce passage » à Matignon. « Je suis heureux ici », assure, d’ailleurs, le maître des lieux qui a laissé son jeune berger des Pyrénées, Largo, s’inviter à l’apéritif, suggérant à ses hôtes que contrairement à la formule de son mentor Michel Rocard, il n’y vit pas un enfer. « Je ne suis que Premier ministre... » En attendant d’être fixé sur les intentions du chef de l’État, Manuel Valls cogite. Sur la stratégie à mener : « Il faut se battre sur notre bilan, en comparaison avec la droite. » Sur les sujets à mettre sur la table : « Regardez, j’ai ouvert le débat sur le revenu universel. » Sur les messages
à délivrer : « Aller plus loin dans le domaine de l’éducation et de la recherche. » Sur la
recomposition de la gauche : «Dèsqueles acteurs de l’élection seront connus, les clans se reformeront. La gauche se reconstitue, je le sens. » Sur la primaire à droite : « Juppé veut tuer le match, mais une élection n’est jamais jouée d’avance. » Suggérer sans prendre le risque de mettre à mal la loyauté affichée, presque à l’excès, à l’égard de Hollande : à Paris ou au Canada, Manuel Valls esquive de la même manière les questions sur ses ambitions présidentielles. « J’ai ma place, j’ai
ma personnalité », a-t-il expliqué à Montréal, jeudi, comme à Matignon, deux jours plus tôt, glissant avec malice entre les haricots de Castelnaudary et le mignon de veau : « Je ne suis que Premier ministre... »