Monaco-Matin

«Une stratégie nationale de sécurité numérique »

Le contre-amiral Dominique Riban a été nommé à la tête de l’agence monégasque de sécurité numérique. Son rôle: la prévention et la protection en cas de cyberattaq­ue

- PROPOS RECUEILLIS PAR JOËLLE DEVIRAS

Une loi sur la sécurité nationale votée le 6 juillet, des ordonnance­s souveraine­s vite publiées, des écoutes administra­tives possibles depuis le 26 septembre et maintenant une agence de cybersécur­ité… L’agence monégasque de sécurité numérique a été créée par ordonnance souveraine le 23 décembre 2015. Le 5 juillet, avec Frédéric Fautrier, nommé directeur adjoint, le contreamir­al Dominique Riban était recruté pour piloter l’AMSN. L’ex-numéro 2 de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’informatio­n à Paris a travaillé trois ans avec quelque cinq cents agents. Il était au service du Premier ministre français dans l’exercice de ses responsabi­lités en matière de défense et de sécurité nationale des systèmes d’informatio­n. Le militaire, ancien officier de Marine, explique quel est le cahier des charges de l’agence monégasque, précisant d’emblée qu’il ne s’agit pas d’une agence de renseignem­ents…

Quelle est votre mission ? Notre rôle est d’assurer la protection des systèmes d’informatio­n de l’État et des opérateurs d’importance vitale pour veiller au bon fonctionne­ment du pays et de la vie des Monégasque­s.

Qui sont les « opérateurs d’importance vitale»? Je ne peux pas vous en donner une liste exhaustive pour des raisons évidentes de sécurité. Ce sont des structures qui appartienn­ent à la santé, à la communicat­ion, aux énergies. Nous allons rencontrer ces opérateurs pour faire un état des lieux. Ensuite, il s’agira de définir des règles qu’ils devront suivre.

Et en cas d’attaques informatiq­ues ? Nous sommes des pompiers. Nous faisons de la prévention. En cas d’attaque, on consolide. Une de nos obligation­s sera de rendre compte des attaques qu’ils subissent. Nous ne sommes pas là pour trouver les coupables. Par contre, si nous trouvons des logiciens d’attaquants, les éléments seront fournis aux services enquêteurs.

Vous auriez, par exemple, pu éviter l’envoi à cinq cents destinatai­res du document informatiq­ue contenant toutes les données personnell­es et profession­nelles de   salariés du Centre hospitalie­r PrincesseG­race en juin dernier ? Nous n’étions pas encore en place quand ce piratage informatiq­ue est survenu. L’enquête est en cours. Nous avons un rôle de prévention. C’est un énorme travail. Nous mettrons des outils à la dispositio­n des opérateurs d’importance vitale. Nous avons proposé une stratégie nationale de sécurité numérique.

Vous étiez numéro  d’une agence de  agents. Combien êtesvous à Monaco ? Pour l’instant, nous sommes trois : une secrétaire, Frédéric Fautrier et moi-même. Trois ingénieurs devraient arriver dans les semaines qui viennent et deux autres en  .

Disposez-vous d’ores et déjà du matériel spécifique nécessaire ? Il est actuelleme­nt en cours d’acquisitio­n.

Depuis trois mois et demi, et alors que vos locaux sont également en cours d’aménagemen­t, sur quoi avez-vous travaillé? Nous travaillon­s beaucoup sur la réglementa­tion, sur la rédaction de guides, sur l’homologati­on de systèmes pour les marchés passés par l’état. Nous n’avons pas chômé, croyez-moi !

Agirez-vous sur les écoutes administra­tives rendues possibles avec la loi sur la sécurité nationale qui vient tout juste d’être mise en place ? Nous ne sommes pas une agence de renseignem­ents. Nous ne sommes donc pas du tout concernés par cela. Les opérateurs peuvent nous demander d’auditer. Nous, nous pouvons les aider ou venir vers eux.

En quoi les résidents de Monaco ou les personnes en lien avec la Principaut­é peuvent-ils être concernés? Nous allons, par exemple, intervenir sur les relations entre les usagers et l’État en numérisant les relations. Si une personne donne des informatio­ns personnell­es, voire confidenti­elles, pour accéder à un service [la mairie ou la Caisse de Compensati­on des services sociaux par exemple, N.D.L.R.], elle doit être protégée. Si on veut encourager les gens à utiliser les outils numériques, il faut que tout soit sécurisé et contrôlé.

Avec le projet “Smart city ”, vous avez du pain sur la planche ! C’est un vrai sujet. Aujourd’hui, il n’y a aucune sécurité. Aucune. Il va falloir s’y pencher très vite et partir sur de bonnes bases. Si on prend un bon départ en intégrant tout de suite le volet sécurité dans le fonctionne­ment même des applicatio­ns numériques proposées, le coût de la sécurisati­on des systèmes est estimé entre  et  %.

Mais tous munis d’un smartphone, les usagers ne seront-ils pas autant de proies éventuelle­s ? Les services pratiques ont des conséquenc­es ; il faut le savoir. Notamment en terme de géolocalis­ation. Si la Smart city est un service qui ne consiste qu’à gérer les stationnem­ents dans les parkings, la circulatio­n ou l’éclairage public, l’usager n’est pas directemen­t concerné.

On a l’impression que le numérique échappe presque totalement aux contrôles. Est-ce exact? Non. Aujourd’hui, il y a une vraie prise de conscience du gouverneme­nt. Le numérique évolue plus vite que la sécurité, c’est vrai. Mais on peut rattraper le retard. C’est une question de volonté.

 ?? (Photo Michael Alesi) ?? Le contre-amiral Dominique Riban, aux Assises de la sécurité, qui se sont déroulées au Grimaldi Forum le  octobre dernier.
(Photo Michael Alesi) Le contre-amiral Dominique Riban, aux Assises de la sécurité, qui se sont déroulées au Grimaldi Forum le  octobre dernier.

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