Eauprécieuse
L’eau distribuée à Monaco a été négociée historiquement avec la France. Mais aujourd’hui, les litiges entre opérateurs français et les avenants signés ces dernières années auront-ils des répercussions pour les consommateurs?
Peu après la rentrée, le Syndicat Intercommunal des Eaux des Corniches et du Littoral (SIECL) et son délégataire de service public Orfeo - Eaux de la Riviera (marque de Veolia Eau) s’attablaientà Nice pour signer des avenants àleurs contrats d’achat d’eau. Unemiseà jour deux ans après la signature de nouveaux contrats, fin 2014, précipités par le passage en régie (Métropole Nice Côted’Azur) du service de l’eau. Créée en juin 2013, cette Régie Eau d’Azuradepuis repris leservice de l’eau des communes de Beaulieu, Cap-d’Ail, Eze et Villefranche-sur-Mer [jusque-làquatreplus grosses communes membres du SIECL, N.D.L.R.] en septembre 2014 et celuide28communesduMoyen et du Haut Pays au 1er janvier 2015. Nicesuivra avec son lot de contentieux administratif, notamment quant à l’exploitation de l’usine de traitement Jean Favre, dite du“Vinaigrier ”, à Villefranche-sur-Mer pour laquelle le SIECL avait toujours négocié avec la ville de Nice et se refuseaujourd’huiàaccepter les volontés de la Métropole. Le décor planté. Revenons sur ces avenants et plus précisément celui mentionnant le « déplafonnement des volumes d’eaux vendus à Monaco », comprenez un réajustement des volumes d’eau. Pourquoi? La Principauté consommerait-elle plus d’eau queprévu? Si oui, une répercussionsur lesusagers serait-elle à craindre? Rien de tout cela en fait, puisque le problème est extérieur à Monaco.
« Pas d’impact sur le consommateur »
« Le fait générateur de cet avenant, c’est que par rapport aux hypothèses établies fin 2014, il y a une variation des volumes de plus de 30 %» , résume Olivier Moulinas, directeur desservices d’Orfeo en charge des relations avec le SIECL sur cet avenant. Effectivement, Monacoabien acheté 30 % de plus d’eau à la France cette année (lire page suivante) mais cela n’a rien d’exceptionnelpuisque la Principautén’est pas autosuffisante. Quant à l’avenant, Manuel Nardi, directeur de la Société Monégasque des Eaux, confirmequ’il n’a aucune incidence directe sur Monaco. « Le SIECL et Orfeo ont signé un avenant pour dire que les achats d’eau qui devaient être à la charge du délégataire (Orfeo) sont remis à lacharge du syndicat (SIECL) » . L’enjeu est résumé par Olivier Moulinas: « Ladifférence entre le contrat de septembre 2014 et aujourd’hui, c’est que la Régieastatué sur le prix de ventede l’eau et réclame 0,56 euro/m3 au SIECL contre 0,30 euro auparavant; alors qu’Orfeo paye toujours 0,30 euro au SIECL. Il y a donc un litige entre la Régie et le SIECL sur la partie restante mais pas d’impact sur le consommateur. Pour ne pas qu’Orfeo soit pris en otage entre le SIECL et la Régie, le SIECL a donc repris l’achat d’eau à la Régie par avenant. » Bref, personne ne souhaite s’immiscer dans le conflit latent - en cours en justice - entre SIECL et Régie et ces avenants ont été signés pour laisser les deux parties gérer leurs affaires. « De toute façon, il fallait un nouveau contrat pour modifier ces volumes de référence qui avaient été un peu improvisés, précise tout de même Jean-Marc Amourdedieu, responsable technico-administratif au SIECL. Ça permet au délégataire d’équilibrer ses comptes car les charges sont toujours les mêmes donc, si on modifie les volumes, on modifie les recettes. »
« Que les engagements traversent les contrats »
Unavenant de bon sens donc, mais quid de Monaco? Un État « complètement atypique, puisque l’équivalent de Menton sur un périmètre réduit », selon Jean-Marc Amourdedieu, et dont Manuel Nardi détaille la stratégie d’achat d’eau. « Monaco a choisi de ne pas seule- ment être acheteur maisdese rendre “propriétaire ”, en tout cas d’acquérir des droits de dérivation des eaux à son propre profit, sans acquérir les sources en tant que telles qui sont françaises – ou françaises en secteur italien –. La Principauté de Monaco, via des versements en capital, aacheté historiquement pour des dizaines de millions de Francs, des droits d’eau àson profitàhauteur de 215 l/sec pour la partie Ouest et 100 l/sec. pour la partie Est [Roya, ville de Menton qui détient les droits] » Jusqu’en 2014, Monaco traitait donc pour la partie Ouest avec Nice et le SIECL et, comme à l’Est, jouissait d’un interlocuteur unique: la Compagnie générale des Eaux, éclatée depuis ensous-entités à sa reprise par Veolia. Sentant le litige monté, Manuel Nardi avait alors « fait écrire au ministre d’État [Michel Roger], qu’à l’occasion de ces périodes brouillées en France, il convenait qu’ils se souviennent que Monaco était titulaire de droits d’eau et qu’il était capital que les engagements pris à l’époque traversent les exigences contractuelles nouvelles et de périmètre. » Limpide. Côté Est, les conventions de fournitureont depuis été clairement renégociées ou prorogées [qui règlent les droits d’eau, le débit, la pointe, les conditions et endroitsde livraison, les volumes mensuels et horaires, les conditions de participation au financementdes ouvrageset renouvellement descanalisations (lire ci-dessous)…, N.D.L.R.]
« Nice n’a jamais imaginé couper les robinets »
Côté ouest, la répartition relève en revanche du folklore. Une dizaine de frontières hydrauliques – et autant de débitmètres– parsèment le réseau depuis Peille jusqu’à Capd’Ail. « De l’eau estampillée Régie Eau d’Azur devient de l’eau SIECL au passage de débitmètre, en vertu de quoi le SIECL doit rémunérer la Régie… » , résume Manuel Nardi. « Ce découpage-là, pour des raisons qui échappent à Monaco, a placé Monaco – pour quelques centaines de mètres – en point de piquage intégralement ducôté SIECL. Le dernier débitmètre étant en limite de Capd’Ail… » Les collectivités françaises ne pouvant pas contractualiser avec l’État souverain, ce dernieradonnédélégation à la SMEaux pour signer des conventions de fourniture, ce qui est chose faite côté Est, mais à l’ouest? « J’attends avec impatience de le faire avec la Régie Eaux d’Azur ou le SIECL pour la partie Vinaigrier, déplore Manuel Nardi, Nice n’a jamais imaginé couper les robinets à Monacomais, enattendant, Monaco paye le SIECL, qui refuse de reverser le moindre sou à la Métropole… »