Monaco-Matin

La voie étroite de Manuel Valls

- Par MICHÈLE COTTA

« Doit-il se soumettre à l’agenda compliqué du Président? Doit-il forcer les choses en se présentant lui-même? »

A six mois de l’élection présidenti­elle, jamais sans doute la positionde Premiermin­istre n’a été aussi délicate. D’abord, parceManue­l Valls n’a pas, mais alors pas du tout, apprécié les confidence­s fleuves du président de la République aux deux journalist­es duMonde. C’est ce qu’il a fait savoir au chef de l’Etat mardi dernier, lors du dîner hebdomadai­redes leaders de la majorité à l’Élysée. Avec fermeté, dit-onàMatigno­n; sans polémique, selon l’Élysée. C’est en tout cas une date sous laVe République où on n’a jamais vu un Président se faire morigéner par son Premier ministre. Manuel Valls n’est pas le seul à désapprouv­er, plus fortement encore qu’il ne l’a dit directemen­t à François Hollande, les propos qui lui sont prêtés et qu’il n’a d’ailleurs pas pu démentir. Dans la majorité, députés et parlementa­ires socialiste­s n’en finissent pas d’être troublés, irrités ou même indignés par ce qui, à leurs yeux, de la part du Président, relève de l’incontinen­ce verbale. Aupoint que quelques élus « hollandais » qui s’apprêtaien­t à rendre public un appel à la candidatur­e de François Hollande ont décidé, pour le faire, d’attendre des jours meilleurs. D’autres, en revanche, devenus franchemen­t hostiles à ce que le chef de l’État postule à sa succession, demandent au contraire à celui-ci d’y renoncer, pour ne pas subir, comme l’a dit un des amis de trente ans de François Hollande, l’avocat JeanPierre­Mignard, une « trop grande humiliatio­n » . Face à cette situation, et dans l’ignorance où il est, comme tous, de la décision que prendra François Hollande, la voie de Manuel Valls, étroite, se rétrécit encore. Chef de lamajorité, il doit la maintenir en ordre de bataille, mais il ne sait plus, aujourd’hui, quelle stratégie adopter. Doit-il se soumettre à l’agenda compliqué du Président, quitte à ce que les troupes socialiste­s soient d’ici là « pulvérisée­s » ? S’il attend, quelques semaines encore, jusqu’au mois de décembre, comme prévu, que le Président fasse savoir sa volonté, la majorité, pendant ce temps-là fera eau de toute part, les un s’accrochant àMontebour­g, d’autresàMac­ron, et pourquoi pas, comme les frondeurs par exemple, à Jean-Luc Mélenchon ou à ce qu’il reste du PC. Manuel Valls doit-il forcer les choses en se présentant lui-même? Hors de question, il le répète: il ne trahira pas François Hollande, et neprésente­ra sa candidatur­e que si celui-ci ne le fait pas– même si, à en croire les sondages, le Premiermin­istre est aujourd’hui crédité de bien des qualités refusées à Hollande. Ne reste qu’une seule voie: pousser le Président à accélérer le mouvement. Ou bien François Hollande annonce sa candidatur­e plus tôt. Ou il y renonce de lui-même. Dans ce cas, il l’a dit, le Premier ministre serait immédiatem­ent en piste pour la Présidenti­elle. D’ici là? Manuel Valls a choisi, on l’a vu audiscours qu’il a prononcé samedi à Tours, de commencer sans attendre la campagne tout seul. Après tout, cela peut servir. Soit à François Hollande, quand il se décidera. Soit à lui-même, en cas de forfait présidenti­el.

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