Monaco-Matin

LIGUE  ( JOURNÉE) / MONACO - NANCY À H

Étincelant contre Moscou, Benjamin Mendy n’a plus de temps à perdre

- MATHIEU FAURE

Le latéral gauche Benjamin Mendy, 22 ans, a comme tous les jeunes de son âgedes défautsmai­s il a une qualité plutôt rare dans ce milieu, il est honnête. Quand on lui demande si, sur le premier but de Falcao contre leCSKA Moscou, son centreétai­tàdestinat­ion du Colombien il se la joue honnête : « En fait, je veux la donneràVal­ère (Germain) » sourit-il. Le sourire, Mendy ne l’a pas toujours eu sur son visage. Sa vie n’a pas toujours été d’une simplicité déconcerta­nte. On pense à cette arrivée à Ajaccio, l’an dernier, où avant un match contre le Gazelec il est invectivé devant lescaméras­par un supporter corse. Ce soir-là, les mots sont terribles et les insultes concernent samère, décédée. Le tout se déroule devant témoins. Mendy réagira plus tardsur son compte Twitter, naturellem­ent choqué. Il faut dire que le jeune défenseur est souvent chahuté depuis ses premiers pas à l’US Palaiseau, dans son Essonne natale, ou il a débuté en tant qu’attaquant. A 16 ans, Mendy rejoint Le Havreet effectue ses débuts profession­nels en 2011. Il a e tout juste 17 ans et va déjà plus vite que tout le monde. Physiqueme­nt, le défenseur est hors norme. On a toujours parlé d’un potentiel au-dessus de la moyenne. Après sa grosse prestation contre le CSKA Moscou, Leonardo Jardim s’est félicité de voir son défenseur enfin répondre présent. « C’est un bon joueur. Quand nous l’avons acheté, nous savions qu’il n’était pas prêt, détaille Jardim. J’entends par là qu’il avait une très grosse marge de progressio­n. Et je suis sûr qu’il va arriver à un très haut niveau dans le futur. » Pour croire enBenjamin Mendy, il faut aimer prendre l’ascenseur émotionnel.

Un pied gauche à la Jérôme Rothen

Durant la préparatio­n, il domine son côté gauche comme personne. Sur chaque accélérati­on, il griffe le sol tel un sprinter et son pied gauche arrose la surface adverse avec abondance. Avec lui, Falcao et ValèreGerm­ain sont abreuvés de bons ballons. FaceàMosco­u, il n’a pas arrêté. Sa manièrede centrer rappelle un peu celle de JérômeRoth­en, sans élan et fouettée. Mais dès les premiers matches officiels, la face sombre a re- fait surface. Son corps lâche. Puis son calme. Dans la chaleur du Madrigal, il s’énerve et se fait expulser bêtement pour un geste d’humeur. Un retard à l’allumage qu’il va mettredeux mois à combler. Moscou est son premier gros match. Enfin, serait-on tenté de direcar l’ancien Marseillai­s se fait souvent désirer. Ce n’est pas pour rien que l’OMmise 3.5 millions sur lui en 2013, à19ans, pour en faireune tête de pont de son « projet Dortmund », qui consisteàd­énicher des jeunes à très gros potentiel pour les former et les revendre avec une plus-value. Un projet similaire à celui de l’ASM au demeurant. Mendy s’invite sur la Canebière en même temps que Thauvin, Imbula et Lemina. Aprèsune première saison difficile, où il brille surtout par ses retards à l’entraîneme­nt et des nuits à jouer à laPlayStat­ion avec Brice Samba, Benjamin Mendy passe au révélateur Marcelo Bielsa. Pendant un an, le joueur est transformé par l’Argentin.

Adoubé par Marcelo Bielsa...

En décembre 2014, dans l’émission Objectif Match sur OMtv, Marcelo Bielsa avait tenu un discours très franc au joueur : « Mendy sait qu’il deviendra un très grand joueur, il sait qu’il deviendra une star. Mais ce qu’il ne connaît pas encore, c’est tout ce que sait Morel. Si Mendy intègre cela, il sera l’un des meilleurs latéraux du monde. Mais il n’y a aucune certitude qu’il y arrive, aucune ! Vous pensez peut-être que je suis en train de plaisanter ? Si tu veux être l’un des meilleurs du monde, parle avecMorel, parle avec Fanni. Ne souris pas. Je serais le plus heureux du monde si tu deviens le meilleur ! Je ne dis pas cela gratuiteme­nt ni par démagogie. Je sais ce que je dis. Cela fait 40 ans que je côtoie des joueurs, si tu veux être le meilleur, parle avec eux. Tu dois te servir de leur expérience »

...critiqué par Michel

Un discours qui tranche avec celui de Michel, l’entraîneur de l’OM, qui a eu Mendy sous son aile l’an dernier. « C’est un enfant… Il est dans son monde. Il a beaucoup de qualités mais il faut qu’il les mette en oeuvre, sinon un autre arrivera avec moins de qualités mais beaucoup d’envie et lui prendra sa place. Comment lui faire comprendre ça ? Cela lui a déjà coûté beaucoup d’argent (en amendes) et, nous, cela nous fatigue beaucoup. Et encore il y a beaucoup de cho- ses que vous ne saurez pas. S’il savait le mal qu’il se fait… Moi cela me fait de la peine pour lui.» Benjamin Mendy a les démons de son âge et de sa profession : il aime la nuit, la chicha, sortir, les copains et se retrouve, parfois, fâché avec les horaires. Une vie qi semblait désabuser Michel : « Je crois que vous devriez demander à Mendy pourquoi il a autant de pépins physiques. Ça oblige son entraîneur à faire des changement­s très tôt ». A Marseille le garçon qui avait pourtant sympathisé avec le rappeur local Jul au point de faire un featuring avec lui sur le morceau qui va tutoyer les 11 millionsde vue sur YouTube était arrivé au bout de l’aventure. Il avait besoin de calme. De sérénité. De paix, en fait. Sur le Rocher, l’internatio­nal Espoirs a trouvé ce qu’il cherch ait mais aussi des amis, et notamment Tiémoué Bakayoko. Mendy appartient à cette caste de joueurs qui a « besoin d’être aimée » pour s’exprimer. Dans un club où le mental permet de révéler les plus grands, Benjamin Mendy est à l’endroit parfait pour donner un sens à sa carrière.

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