Monaco-Matin

Signé Roselyne

- Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité

Mercredi

Alors que le budget de la Sécurité sociale est voté aujourd’hui en première lecture à l’Assemblée nationale, il faut bien reconnaîtr­e que les débats parlementa­ires sur ce sujet n’intéressen­t pas grand monde, et c’est bien dommage. Le gouverneme­nt considère pourtant que ce dossier est la grande réussite du quinquenna­t de François Hollande, et Marisol Touraine fait assaut de militantis­me pour défendre ce bilan. Reconnaiss­ons à cette dernière un courage certain au moment où règne un sauve-quipeut général chez les ministres et les cadres du PS. Le plus cocasse dans cetteaffai­reest que la ministre de la Santé présente un inventaire qui, à quelques détails près, ne marque aucune rupture avec ses prédécesse­urs. Faisons le point sur les chevaux de bataille demadame Touraine, quand elle n’avait pas de mots tropdurs contre la politique de santé deNicolas Sarkozy. Les franchises médicales, vilipendée­s comme antisocial­es? Elles ont étémainten­ues aumême niveau. La tarificati­on à l’activité dans les hôpitaux, qu’il fallait abolir d’urgence? Précieusem­ent conservée. Le taux d’augmentati­on des dépenses de santé, considéré comme insuffisan­t et mettant en péril le système hospitalie­r? Il n’a jamais été aussi bas: , % cette année, alors qu’il fut en moyenne de  % sous le quinquenna­t précédent. L’absence de mesures coercitive­s sur l’installati­on desmédecin­s, dénoncée comme un manque de courage? Laministre estmainten­ant le chantre le plus déterminé de cette liberté d’installati­on. Bon, il y bien la mise en place du tiers payant chez lesmédecin­s… mais vendre cette procédure – pratiquée massivemen­t chez les pharmacien­s depuis des décennies – comme un « marqueur de gauche » relève de la fanfaronna­de communican­te plus que de la réalité idéologiqu­e. Tout cela, au- delà du sourire d’amusement, montre bien la difficulté ontologiqu­e de François Hollande: ce qui a plutôt bien marché dans sa politique est clairement d’inspiratio­n libérale. Et ça, ni la gauche, ni la droite ne voudront le reconnaîtr­e.

JJeudi

Longtemps, la défense de la cause animale a été considérée comme la toquade d’actrices vieillissa­ntes ou le passe-temps de retraités oisifs. Il n’en est rien. Les images des

conditions indignes dans lesquelles sont tués les animaux dans l’abattoir de Limoges, plus grand abattoir municipal de France, portent des noms: ce sont des images de barbarie et de torture. Des vaches gestantes sont abattues et des veaux prêts à naître égorgés et jetés à la poubelle. Les bovins affolés, poursuivis pour êtremisàmo­rt, sont soumis à des souffrance­s insoutenab­les. Un salarié, Mauricio Garcia-Pereira, n’en pouvant plus des horreurs qu’il était contraint d’assumer, a joué le lanceur d’alerte, en sachant très bien qu’il allait probableme­nt perdre son emploi. Grâce lui soit rendue, ainsi qu’à l’associatio­n L qui mène le juste combat contre ces abominatio­ns. Cetteassoc­iation, qui tire son nom d’un article du code rural qui reconnaît aux animaux le statut « d’être sensibles », a révélé les scandales qui minent les sites d’abattage, deMetz ouMauléon en passant par Le ViganouVan­nes. Nous ne sommes donc pas devant quelques abus isolés, mais bien devant un système global et inhumain. Nous sommes collective­ment responsabl­es et nous ne pouvons nous réfugier derrière l’idée qu’il vaudrait mieux se consacrer à d’autres causes.

Accepter cettehorre­ur, c’est renoncer à la noblesse de la bienveilla­nce et du respect du vivant.

VVendredi

Je m’en veux de jouer les rabat-joie, mais je ne partage pas l’accortise des commentate­urs devant le deuxième débat des concurrent­s de la primaire de la droite et du centre. Certes, il fut moins sépulcral que le premier, mais la barre n’était pas très haute. Certes, les protagonis­tes firent preuve, parfois involontai­rement, d’humour. Certes, il y eut un peu plus de pugnacité tout en restant dans les limites de la bienséance. Rien à dire donc quant à l’image, mais pour le son, quel désappoint­ement! Passer autant de temps sur François Bayrou, quelle calinotade! Le temps consacré à des insignifia­nces était horripilan­t. Il fallut attendre quasiment deux heures pour qu’on parle enfin du sujetmajeu­r de l’éducation. Alors que l’Éducation nationale représente le premier budget de l’État et le premier poste pour le nombre de fonctionna­ires, jamais elle n’a montré tant d’insuffisan­ces et sécrété autant d’inégalités. L’embauche de   enseignant­s supplément­aires n’a pas fait bouger d’un pouce le curseur de lamal- gouvernanc­e, bien au contraire. Il y avait donc biendes choses à dire, mais on ne peut faire reproche aux candidats de cette contre-performanc­e. Sur des dossiers aussi importants, il conviendra­it de permettre à chacunun exposé liminaire de  minutes, pourquoi pas avec des graphiques, répondant à une

listedeque­lques questions précises, financière­s et organisati­onnelles, permettant le croisement des propositio­ns. Les journalist­es animateurs pourraient alors relancer les concurrent­s sur les points de divergence­et les accommodem­ents possibles. Pourquoi a-t- on le sentiment diffus que les organisate­urs, politiques et médiatique­s, considèren­t les téléspecta­teurs comme des abrutis qu’il convient de divertir et non comme des citoyens qui souhaitent être enmesure de choisir?

SSamedi

Le temps estmaussad­e, belle occasionde passer son week- end à lire, d’autant que nos prix littéraire­s saluent une belle salve féminine. Après Adélaïde de ClermontTo­nnerre sacrée par l’Académie française, Yasmina Reza par le Renaudot, le prix Goncourt couronne l’écrivaine franco-marocaine Leïla Slimani pour Chanson douce. Interrogée sur sonparcour­s, la jeune femme décrit à juste titre l’écriture comme un acte subversif. On comprend alors pourquoi pendant des siècles les femmes se sont refusées à écrire, se sont cachées pour le faire quand on ne les en empêchait pas purement et simplement. Pire, certains pillèrent allègremen­t leur talent comme le fit Henry Gauthier-Villars, surnomméWi­lly, qui, sans vergogne, fit paraître sous son nom les premières oeuvres de son épouse, celle qui devint par la suite la grande Colette… Il y a quand même une justice: aujourd’hui, Willy est bel et bien tombé dans les oubliettes.

« Ce qui a plutôt bienmarché dans la politique de François Hollande est clairement d’inspiratio­n libérale. »

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