Monaco-Matin

Malaise dans ladémocrat­ie

- CLAUDE WEILL

Ouf, c’est fini. Plus que quelques heures de suspense et d’angoisse avant que soit connu le nom du  e président des Etats-Unis. Quelle qu’en soit l’issue, cette campagne, sans doute la plus violente et la plus sale de l’histoire politique américaine, au point de susciter le « dégout » de huit électeurs sur dix, restera une page noire du roman national. Une tache sur le drapeau étoilé. L’Amérique, qui se pense et se vit comme le phare et le modèle du « monde libre », « l’étalon- or de la démocratie », n’échappera pas à des remises en question. What went wrong ? Qu’est-ce qui amal tourné ? Qu’un bateleur comme Trump, qui a fait du mensonge et de l’insulte des armes de séduction massive, soit arrivé aux portes de la Maison-Blan-che, après avoir balayé en chemin les caciques du Parti Républicai­n, cela en dit long sur les maux qui rongent le système politique américain. Mais nous autres Français et européens, qui avons assisté de loin à ce combat de catchdans la boue, aurions bien tort de ne voir là qu’un événement exotique, une de ces bizarrerie­s auxquels les Américains nous ont habitués, comme les concours de hamburgers ou les limousines de  mètres de long. De quoi l’extravagan­t M. Trump est-il le nom ? Pas seulement des ratés de la démocratie américaine, mais aussi d’une crise de la représenta­tion politique qui affecte l’ensemble du monde démocratiq­ue. Si celle-ci prend en effet des formes très différente­s d’un pays à l’autre, selon les configurat­ions politiques nationales, c’est bien le même phénomène qui est à l’oeuvre de Londres à Vienne, de Paris à Berlin, Rome ou Bu- dapest. Partout, l’arasement des frontières, le triomphe de la mondialisa­tion, l’ampleur des mouvements­migratoire­s, la menace du terrorisme internatio­nal nourrissen­t le désir d’un retour à la nation, la nostalgie d’un monde préservé qui n’a en réalité jamais existé, le repli identitair­e, la peur de l’invasion. Partout se renforce la suspicion envers les partis politiques, tenus pour corrompus ou impuissant­s à protéger leurs peuples contre les malheurs du monde. Partout progresse le désenchant­ement démocratiq­ue, le sentiment, particuliè­rement vif en France, que la démocratie fonctionne mal, que les aspiration­s des citoyens ne sont pas prises en compte, que les élections ne changent rien. Avec cette conséquenc­e que le clivage gauche/droite qui organisait la vie politique tend à s’estomper au profit d’un clivage système/anti-système. Oupartis institutio­nnels versus partis des gens « d’enbas ». Qu’un milliardai­re arrogant et cynique qui se vante de ne pas payer d’impôt ait pu se poser en héraut des cols bleus, des petits blancs et de tous les laissés pour compte de la mondialisa­tion, l’usurpation laisse pantois. C’est le genre d’étrangetés que peut produire lamytholog­ie du « rêve américain ». Mais pour le reste, son projet, cocktail de souveraini­sme, de rhétorique anti-immigrés et de protection­nisme économique, nous est familier : ce sont les ingrédient­s de base de tous les populismes européens. Et ses vitupérati­ons contre l’establishm­ent – Washington, Wall Street, la presse, etc. –, l’écho d’un ressentime­nt anti-« élites » qui a cours chez nous aussi, et qui ne se cantonne d’ailleurs pas à l’extrêmedro­ite. Une campagne s’achève. Une autre commence : la nôtre. Elles pourraient bien avoir comme un air de famille.

« Une campagne s’achève. Une autre commence : la nôtre. Elles pourraient bien avoir comme un air de famille.

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