« Il faut arrêter de se direque ça n’arrivera pas cheznous »
Emilie Souyri est maîtrede conférenceenétudes étasuniennes à l’université Nice-Sophia Antipolis. Elle brosse un parallèleentre la situation en Franceet aux Etats-Unis, pour tenter de mesurer l’impact de l’élection de Trumpde ce côté-ci de l’Atlantique.
Trump président, quel peut être l’impact en France? Le résultat inattendude ces élections traduit bien une tendance mondiale au rejet de la politique actuelle et d’une certaine idéologie libérale, dans laquelle beaucoup se sentent laisséspour-compte. Des deux côtés de l’Atlantique, on observe une libérationde la parole face au racisme, à la xénophobie, à lamisogynie.
Les extrêmes ont donc le vent en poupe en France commeaux Etats-Unis? Des parallèles se dessinent. Si l’extrêmedroiteprogresse en France, c’est parce qu’une partie de la populationne se sent pas écoutée par des élites à leurs yeux privilégiées, déconnectées de la réalité. Et de gauche ou de droite, les extrêmes se rejoignent. Tout le monde enapris pour son grade durant l’élection américaine. Et onest susceptible de tomber dans les mêmes amalgames en France si onneprend pas la mesurede cedésarroi.
La colèredes peuples prend-elle ses racines dans un même terreau, comme la crise économique? On peut chercher des causes économiques, oui. D’une manièregénérale, plus les inégalités se creusent, plus cela crée de la frustration et de l’insatisfaction. Des études de psychologues cognitivistes montrent que, quand les gens sont pressés par l’angoisse d’arriver à la fin du mois, ils font des choix beaucoup plus dictés par l’émotion que par la raison. Quand le patron de Walmart gagne plus de mille fois le salaire de base, cela provoque un décrochage avec les salariés.
Avec Trump président, Marine Le Pen se sent pousser des ailes pour … Scénario plausible? Tout le monde disait que le Brexit ne se produirait pas, que Trump ne gagnerait pas, et pourtant c’est arrivé! Il faut arrêter de se voiler la face et de se dire: « Ça n’arrivera jamais chez
nous » . Ladynamique Trump est très similaire à celle du FN. Ils ont bien compris ce sentiment de déclassement et identifié le bouc émissaire. Les grands accords de libre-échange donnent l’impressiond’une grosse machine qui ne tient pas comptede la réalitédes petites gens, l’ubérisation génèreune flexibilité au détriment des employés… Combiné au sentiment facilede xénophobie, cela offreunboulevard aux extrêmes.
Cetteélection peut-elle servir d’électrochoc? Martin Luther King avait dit, àune époque déjà dure et troublée: « Il n’yaque dans l’obscurité que l’on peut voir
les étoiles. » On ne peut donc pas se permettre de désespérer! Il faut que les gens puissent se reconnaître dans un messagepositif, qui les inclut. Sinon, on vadroit dans le mur.