Au Negresco, les larmes des démocrates ont coulé
Et puis ils se sont tus. « Hillary Clinton vient de reconnaître sa défaite » , dit le présentateur de CNN sur l’écran géant tendu au fond de la salle. Il est 2h40 à New York, 8h40 à Nice. Hier, les sympathisants démocrates américains et leurs amis avaient réservé un grand salon au premier étage du Negresco. Ils s’étaient donné rendez-vous au petit matin. Ils espéraient fêter la victoire de leur candidate. « Court ou allongé? » À l’autre extrémité de la salle, un serveur appuie à intervalles réguliers sur le bouton de la machine à café. Autour des tables où s’alignent les tasses, les traits sont tirés. On aperçoit la mer entre les lamelles des stores et le soleil s’est levé. « J’aime mieux regarder par la fenêtre que la télé » , déclare une dame âgée, immortalisant un bout de ciel sur son téléphone portable. « Vous allez voir pas mal de visages tristes ici. Les choses ne se sont pas passées comme prévu » . Doc Curlin, responsable presse de la section Riviera des Democrats Abroad (DA), l’organe du parti démocrate américain à l’étranger, nous avait prévenus en ouvrant la porte. Il était 6h30. Un peu plus tôt, Donald Trump était donné gagnant en Pennsylvanie et l’élection basculait. « Mais comment il a fait pour la prendre? » , répétait à voix haute un homme, sans pouvoir croire que cet État du nord, traditionnellement acquis aux Démocrates, ait donné à plus de 48% ses suffrages au candidat républicain. « It’s not done yet » , « ce n’est pas encore fait » , priaient d’autres. En vain. Scott Baker, le président des DA azuréens, monte sur un petit podium et prend la parole. Il dit que c’est « un matin difficile », et demande à la petite assemblée – ils sont une trentaine – si quelqu’un « veut s’exprimer » . Elle est blonde et plutôt jeune, elle prend la parole en anglais. Elle veut savoir s’il y a « quelque chose dans la Constitution qui peut limiter les pouvoirs de Do- nald Trump » . Un léger brouhaha lui répond. Elle va se rasseoir. Lorsque Trump prononcera son discours, elle fondra en larmes.
« Mon mari a vomi »
Une femme vient d’entrer, elle tient un petit chien en laisse. Elle a pleuré. Son mari, lui, « a vomi » lâche-t-elle, « choqué que son pays ait voté pour cet homme dangereux » , qu’elle accuse carrément d’être un « dictateur » . Pour cette Française qui a vécu au Texas, la victoire de Donald Trump n’est pas une vraie surprise : « Les gens veulent mettre par terre les élites. Donald Trump l’a parfaitement compris, il n’est pas que la caricature qu’on a vue dans la campagne mais il a su faire en sorte de ressembler à ses électeurs. » Dans la salle, on fait souvent le parallèle avec Brexit, funeste présage britannique de l’avenir américain. 8h45. Dos aux images du « president elected » , elle est restée immobile, prostrée de longues secondes. « Le monde a changé » , parvient-elle à articuler. Sans préciser si c’est une cause, ou une conséquence de l’élection du 45e président des États-Unis.