« Ce fut d’abordun choc »
Votre rencontre avec le Ray? Elle fut plutôt tardive. Je ne suis pas d’une famille de footeux. Chezmoi, personne n’allait au stade. J’ai donc attendu d’avoir ou ans pour découvrir le Ray. Comme beaucoup de jeunes, j’ai commencé par la Populaire Sud.
Un bon début... Pour moi, ce fut un vrai choc. J’ai tout de suite été fasciné par cette tribune. Il se dégageait une telle fraternité. Une telle fureur. J’en prenais plein les yeux et les oreilles. Et j’adorais ça ! C’était un monde à part. Un lieu de transgression. Ça sentait le cannabis. Les insultes et les fumigènes fusaient. Pour moi, qui sortais à peine de la place Saint-Roch, c’était aussi un voyage. Une façon dem’émanciper. Ma mèreme disait : « J’espère que tu ne vas pas avec ces fous ! » Je la rassurais alors que je ne pensais qu’à une chose : y retourner. Les retrouver. Être aumilieu de ces gars aux tronches bizarres. J’allais au match pour l’émotion. Le grand frisson. Je n’avais pas encore cette culture du résultat qui allait vite me rattraper. J’étais dans le délire collectif.
Le match qui vousamarqué? Nice-Strasbourg (-). Le match de barrages saison -. Comme toute une génération. Celle qui n’a pas connu les titres des années ou le beau jeu des années . Êtremarqué par un match couperet pour ne pas descendre enD, ça en dit long sur ce qu’on a vu et vécu au Ray à cette époque... Cela dit, voir Robby Langers s’accrocher au grillage de la « Pop » Sud à quelques mètres de moi reste un grand souvenir.
Vous avez aussi souffert dans ce stade... Quand on supporte le Gym, c’est dans tous les sens du terme. ÀNice, chaque moment de joie était condamné à être de courte durée.. J’avoue même avoir mis ma passion entre parenthèses une saison, tellement çame faisait mal de voir le Gym se débattre enD dans un Ray qui sonnait creux. J’aime le Ray comme on aime sa jeunesse. À la folie. Mais on peut avoir tendance à embellir, à magnifier. Exemple : regardez les affluences. Elles sont dans le livre. De à , elles sont toutes sous la barre des spectateurs de moyenne. Et le plus souvent bien en dessous. C’est une ville de foot dont la vocation identitaire est très forte. Le Gymn’est pas le club d’une région. Comme le Ray n’était pas le stade des Cannois ou des Monégasques. On y chantait Nissa la bella. Le Ray ne se visitait pas. Il n’était pas jet-set comme la Prom’. Il appartenait aux Niçois et à eux seuls. Deux mecs qui montaient au Ray se reconnaissaient au premier coup d’oeil. Parce qu’un stade est un lieu de partage avec ses codes, ses souvenirs et ses émotions.
Quelle image gardez-vous de ce stade? Le Ray, je l’ai vu beau, digne. C’était fin des années . Puis, il a commencé à se délabrer. Il est devenu obsolète. Une relique. Au sens noble du terme. Il était le symbole d’un football d’antan, populaire. Un vieux stade de béton au centre-ville qui respirait le peuple et les souvenirs. Puis, on lui a refait une beauté avant qu’il ne disparaisse. J’ai été triste de le quitter. Mais j’ai aussi été émerveillé par l’Allianz Riviera. On a changé de monde. C’était nécessaire, mais ça n’empêche pas la nostalgie. Comme vous, comme tous : jamais je n’oublierai le Ray.