Mégafichier : Cazeneuve fait des concessions
Face à la polémique suscitée par son regroupement de données personnelles des Français, le ministre de l’Intérieur lâche du lest sur les empreintes digitales
Pour éteindre la polémique et après avoir étalé ses propres divisions sur ce dossier, le gouvernement a fait, hier, des concessions sur le mégafichier regroupant les données personnelles des Français, annonçant que les usagers pourront refuser la prise de leurs empreintes digitales. Après s’être publiquement affrontés, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve et la secrétaire d’État auNumérique Axelle Lemaire ont annoncé, côte à côte devant la presse depuis la place Beauvau, des « évolutions » destinéesàrenforcer les garanties individuelles dans ce fichier afin de rassurer les critiques sur de possibles déviances. « Il n’y a pas de couac » au gouvernement, a déclaré Mme Lemaire, reçue dans la matinée par son collègue, alors qu’elle avait dénoncé lundi un « dysfonctionnement majeur » avec un décret « pris en douce » par le ministère de l’Intérieur. Objet d’un décret paru le30octobre au Journal officiel, le fichier controversé, baptisé Titres électroniques sécurisés (TES), réunit dans une seule base les données (identité, couleur des yeux, domicile, photo, empreintes digitales...) des détenteurs d’un passeport et d’une carte d’identité et concerne potentiellement près de 60 millions de Français. La Commission nationale
informatique et libertés (Cnil) avait rapidement émis des critiques et le débat, à gauche et à droite, n’a cessé d’enfler, sur fond de craintes pour les libertés publiques ou face aux risques de piratage informatique.
Recours en Conseil d’Etat
Un recours au Conseil d’État pour « excès de pouvoir » contre le fichier a en outre été déposé, hier, par un simple citoyen. Tout citoyen a, en effet, la possibilité de saisir le
Conseil s’il peut seprévaloir d’un intérêt à agir et s’il est directement concerné par le décret qu’il conteste. Et un autre recours devrait être déposé la semaine prochaine par un think-tank libéral, « GénérationLibre » Mais ces recours, qui portent sur le fond, ne devraient pas être examinés avant plusieurs mois. Au titre des changements annoncés hier, le gouvernement a aussi décidé que le dispositif ne serait déployéqu’après « avis conforme » de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes informatiques (Ansssi). Enfin, il « s’engage à fournir tous les éléments pertinents au Parlement » pour un « suivi en continu de ce traitement de données » , et à « fournir le retour d’expérience » du test du fichier « actuellement lancé dans les Yvelines et prochainement en Bretagne ». Le ministre de l’Intérieur avait déjà proposé mardi la tenue d’un débat parlementaire sur la base de données, afin de « répondre aux questions ».
Ficher les Français ?
Le gouvernement assure que le fichier a pour seul objectif de sécuriser la délivrance ou le renouvellement des titres et de prévenir et détecter les falsifications et contrefaçons. Et qu’il ne peut servir à l’identification des personnes, par exemple dans une enquête. Bernard Cazeneuve a d’ailleurs de nouveau réfuté, hier, le terme de « mégafichier », lui préférant celui d’unebase de données permettant une « authentification moderne » des titresd’identité. Il a réitéré que toutes les garanties avaient été prises pour éviter qu’il serve par exempleàune « identification » des Français et qu’il ne soit piraté. « J’ai reçu l’assurance » que cette base de données n’est pas destinée « à ficher les Français », aaffirmé Mme Lemaire.