Monaco-Matin

 MARATHON DES ALPES- MARTIMES NICE- CANNES DIMANCHE « J’y ai toujours cru »

Pascal Thiriot, le boss d’ASO qui organise le marathon, a dû se battre après l’attentat du 14-juillet pour que l’épreuve soit maintenue et que 14 000 coureurs puissent prendre le départ

- RECUEILLI PAR FABIEN PIGALLE

Dans l’Hérault. J’ai su ce qu’il était en train de se passer par ma fille, qui elle était à Cannes et devait aller voir le feu à Nice. Elle m’a appelé justement pour me dire que je ne devais pas m’inquiéter et que tout allait bien. On a passé toute la nuit devant la télé à regarder les informatio­ns. Impossible de dormir.

D’autant que pour vous, la Promenade des Anglais est censée être un «terrain de jeu»... C’est le coeur de nos événements. Parce que notre vocation en tant qu’organisate­ur, ce n’est pas de faire juste une course à pied. C’est du «tourisme sportif». Nous travaillon­s avant tout pour la promotion du territoire. Le cadre doit être splendide, avec une histoire derrière, un patrimoine, etc.

Après l’attentat, à partir de quel moment avezvous pensé aux répercussi­ons que cela pourrait avoir sur l’épreuve ? J’avoue que je n’y ai pas pensé tout de suite. J’étais franchemen­t abasourdi parce qu’il s’était passé. Dans les jours qui suivaient, je ne pensais absolument pas au marathon. Je repassais les images de ce drame dans ma tête. Mais je n’étais pas revenu à Nice encore. Ce n’est qu’une semaine plus tard que je me suis rendu sur les lieux. Une atmosphère très lourde. C’était pesant.

Que vous êtes-vous dit ? Je ne pensais pas à la Prom’Classic, au semimarath­on, ou au marathon etc. Je me suis juste dit : « on ne peut pas partir de là » . C’était une question de respect. Vous savez, le départ d’un marathon, c’est une fête. Et je neme voyais pas faire danser les gens lors des échauffeme­nts sur ce lieu, mettre unDJ etc. Ce n’était pas possible.

Très vite, le voile de l’annulation pure et simple a plané. Mais pour moi, c’était clair : je ne pouvais pas accepter l’annulation de l’épreuve. Surtout pour cette cause. e Pascal Thiriot va pouvoir vivre une  édition dimanche.

Disparaîtr­e pour des raisons économique­s, ok. Mais parce qu’il y a eu un attentat, c’était comme renoncer. Ce n’était pas possible. On a reçu beaucoup de messages de soutiens. Ça nous a boostés. Qu’est-ce qui mettait en péril le Marathon ? Le cahier des charges imposé par l’Etat en matière de sécurité. On nous demandait de mettre des hommes en armes, alors que ce n’est pas du tout notremétie­r. Nos bénévoles ne sont pas armés ! On nous a imposé des contrainte­s techniques qu’on a pu suivre, mais pour ce qui est de la sécurité pure et dure, ce n’est pas notre vocation. Policiers municipaux et nationaux n’auraient pas été assez nombreux pour répondre à la demande.

Qu’est-ce qui vous a permis de faire pencher la balance de votre côté ? J’ai ditàmon équipe qu’il

fallait qu’on arrive à faire de ce marathon, une affaire d’Etat. C’est-à-dire ? Que ça devienne presque une cause nationale. J’ai usé toutes les cartes possibles. Je pense aux médias notamment, journaux avec Nice-Matin et aussi une demi-page dans le Monde, les télévision­s également. Mais aussi les acteurs économique­s locaux. Le marathon attire beaucoup de monde avec des retombées d’environ  millions d’euros. On s’est tous tourné vers le Préfet pour lui faire comprendre qu’il ne fallait pas annuler. Les hommes politiques locaux étaient derrière nous et servaient de relais jusqu’au ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve.

Ressentiez-vous une forme d’injustice ? Bien sûr. Dans la capitale, les événements étaient maintenus. Les courses Paris-Versailles avec   personnes, le semi de Disney   personnes, plus la techno parade... Bref, jeme disais : pourquoi nous, sur la Côte d’Azur, avec le même niveau d’alerte, on n’aurait pas le droit à lamême sécurité pour courir ? Je comprends qu’on veuille défendre Paris en vue des JO. Mais qu’on n’oublie pas une chose, les JO appartienn­ent à tout un pays, pas qu’à Paris. Eric Ciotti a réussi à expliquer à Bernard Cazeneuve qu’au- delà des retombées économique­s du marathon, si on montrait qu’on était incapable d’assurer la sécurité d’un tel événement, on n’était tout simplement pas capable d’assurer la sécurité des touristes sur la Côte d’Azur. Nice-Cannes aurait alors servi de jurisprude­nce ! Le milieu sportif dans son ensemble a surveillé l’évolution du dossier, parce qu’il était aussi inquiet pour ses propres événements. Partout en France. Au final, nous avons été une locomotive. Ils ont été nombreux. Mais je vous avoue que lors de notre première réunion en préfecture­mi-septembre, on nous laissait très peu d’espoir. Au final, on s’est battu, j’y ai laissé une partie de ma santé, et on a pu répondre à tout ce qui nous était demandé. Pendant un temps, les inscriptio­ns ont été suspendues. Mais tout le monde nous a soutenus.

Et s’il avait été annulé ? Azur sport organisati­on (ASO) et ses salariés n’existeraie­nt plus. C’était la mort dumarathon sur la Côte. Qu’est-ce que j’aurais pu dire aux  étrangers qui avaient tout réservé ? Je ne voulais pas l’imaginer. J’y ai toujours cru. Annuler l’épreuve aurait été une grosse claque pour les sports en plein air en milieu urbain. C’est ce qu’il y a de plus dur aujourd’hui à organiser compte tenu des contrainte­s grandissan­tes.

En tant qu’organisate­ur, le scénario attentat a-t-il été dans votre esprit ? Je vous rappelle qu’en , le semi-marathon de Nice s’était couru une semaine après les attentats de Boston. Donc oui, on y pense forcément. Mais la sécurité, ce n’est pas notre métier. Nous sommes là pour que les coureurs courent dans les meilleures conditions possibles. Après évidemment, on adhère à toutes les recommanda­tions pour améliorer la sécurité.

Avez-vous ressenti une crainte de la part des coureurs ? Non. Au contraire. En fait, on a surtout senti la crainte de la presse étrangère. Un journalist­e finlandais a décliné notre invitation : «j’ai peur, cette fois je ne viens pas».

Comment l’avez-vous pris ? Je me suis dit mais bon sang, quelle image a-t- on à l’étranger ? J’ai été très surpris par cette réaction. On a envie de prouver ce qu’on sait faire. Mais imaginez si en plus, le marathon n’avait pas eu lieu ?

Lesmesures phares ? Déjà le départ depuis l’Allianz où tous les coureurs seront palpés, comme quand on se rend à un match de foot. Et surtout, la sécurisati­on de plus de  intersecti­ons qui seront bloquées à l’aide de véhicules. Des engins du conseil départemen­tal, de la police municipale, nationale, gendarmeri­e. Mais aussi des communes : pas de chasse-neige, mais des balayeuses.

Comme dans la vie, c’est dans les moments difficiles qu’on voit ses vrais amis ? Exactement. On a vite vu sur qui on pouvait compter.

Et sur qui vous ne pouviez pas ? Au niveau national, la Fédération française d’Athlétisme. Elle ne s’est absolument pas souciée de nous, alors qu’elle aurait pu en faire plus.

Avez-vous hâte d’être l’an prochain et retrouver la Promenade ? Oui, d’autant que ce sera la  édition. Un bel anniversai­re. Une date que j’ai en tête depuis longtemps. On apportera quelque chose de nouveau. Une épreuve encore plus populaire à l’intérieur de la course.

Ressentez-vous plus de pression pour dimanche ? Non. Il y en a toujours autant. Mon rituel va changer. D’habitude, après les départs, je prends la voie rapide en scooter pour rejoindre la tête de course au niveau de Saint-Laurentdu-Var. Mais cette fois ça a changé et ça me perturbe. Je ne sais pas encore quel chemin je vais emprunter depuis l’Allianz (rires).

Votre plus grand souhait ? Que les gens sortent et viennent encourager les coureurs. Qu’on montre qu’on a eu raison de faire ce marathon. Qu’à Nice, on vit et on avance.

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(Photo Sébastien Botella) Où étiez-vous le  juillet ? Certains coureurs lambda avaient milité pour courir coûte que coûte...

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