Aller sur Mars pour en apprendreplus sur la Terre
Ellen Stofan, responsable scientifique de la NASA, a donné une conférence à Monaco sur le rôle des femmes dans la science et l’exploration spatiale. Et évoqué les applications concrètes de ces missions
Avant, c’était un rêve. À l’horizon 2030, cela pourrait devenir une réalité. Ellen Stofan, responsable scientifique de la NASA, est venue parler de l’exploration de Mars par des humains à Monaco, jeudi soir. Elle a aussi évoqué le rôle des femmes dans la science. La conférence s’est dérouléedans le cadre de la projection du film « The Last Man On The Moon », qui restitue l’histoire d’Eugene Cernan, le dernier homme à avoir foulé le sol de la Lune. Des échanges ont suivi. Objectif: « Essayer d’amener la nouvelle génération à s’intéresser à la science et à tout ce qui touche à l’exploration spatiale » , explique Maguy Maccario Doyle, l’ambassadeur de Monaco aux ÉtatsUnis et au Canada, qui a organisé cet événement ( 1). Et puis « inspirer » , « motiver » . Ellen Stofan tient le même discours. Selon elle, les voyages vers la planète rouge permettront l’apparition d’une « génération Mars » , marquée par la « curiosité » ou « l’espoir » . C’est l’une des conséquences de l’exploration spatiale, explique-t-elle. Parce qu’au fond, il est surtout question d’en apprendre plus sur nous, la Terreet son histoire. Notamment pour savoir comment faire face au réchauffement climatique, « notre plus gros défi » .
Barack Obama a dévoilé son plan pour envoyer des humains sur la planète rouge; l’Europeamis en place lamission ExoMars, qui doit y envoyer un robot… Quels sont les enjeux derrière l’exploration de Mars? D’abord, il y a la nature humaine. On veut savoir ce qu’il y a derrière la montagne, la colline… On peut envoyer des robots mais il n’y a pas de facteur humain. Le témoignage est très important. Ensuite, quand un pays se lance dans un projet très difficile, il développe sa technologie, son innovation. Je ne peux pas vous lister toutes les applications qu’ont eues les recherches de la NASA. L’antibuée sur lesmasques
de ski, les ailettes à la fin des ailes d’avions… sont des technologies qui viennent de la NASA. Et puis investir dans une économie, une société, cela permet au pays d’avancer. Enfin, nous pensons que la vie sur Mars a évolué à peu près au même moment que sur Terre. C’est probablement des microbes, ce qui est beaucoup moins excitant que des petits hommes verts. Mais ce qu’on veut vraiment savoir, c’est si étudier cette vie va mieux nous permettre de comprendre la nôtre.
Au fond, il s’agit donc d’en
apprendre plus sur nous… La question revient toujours, à la NASAou pour moi, en tant que scientifique : quelle est l’histoire de la Terre et de sa vie, quel est son destin? C’est pour cela qu’on s’investit autant, à la NASA, pour étudier cette planète. Parce qu’on en revient à la seule planète sur laquelle on peut vivre.
Pourtant, ce travail semble être en difficulté. Notamment en Europe où le programme ExoMars pourrait souffrir d’un manque de financement… Y a-t-il une réelle volonté? Je donne des conférences partout dans le monde. En Allemagne, on s’est exprimés dans une université, un vendredi après-midi. Pas vraiment le meilleur moment… Il y
avait plus demille étudiants. Et une autre salle était pleine. Mais on sait qu’aucun pays ne peut aller sur Mars seul. Personne n’a le budget. On sait que les cerveaux ne sont pas tous dans unmême pays. C’est un consortium international, avec des agences spatiales, des entreprises privées… Les pays comme Monaco, qui n’ont pas d’agence spatiale, peuvent-ils participer aussi à cette exploration? Il y a les principaux partenaires de la Station spatiale internationale, comme l’Agence spatiale européenne, le Japon, le Canada, la Russie, les ÉtatsUnis… Mais plus de pays ont mené des expériences dans la station. On la voit comme un laboratoire international. On touche beaucoup plus de monde que les partenaires principaux. Cela permet de motiver les enfants de Monaco, d’Afrique du Sud, des Philippines… On leur permet d’avoir le même niveau d’accès à ce savoir que des enfants américains ou russes. Je pense que c’est très important. Qui sait d’où viendra le prochain Einstein?
Vous évoquez aussi le rôle des femmes dans la science. Quel message faites-vous passer? On ne peut pas ignorer la moitié de la population.Les études ont montré que les filles sont aussi bonnes en sciences ou en maths que les garçons. Elles sont juste découragées, à beaucoup de niveaux. Les femmes ont toujours été là, mais leurs histoires ont été ignorées. Comme Katherine Johnson, une mathématicienne de la NASA au début des années . Elle calculait des trajectoires pour pouvoir envoyer des gens dans l’espace. Katherine JohnsonElle était afroaméricaine. C’est un héros et personne n’a entendu parler d’elle. Et des gens étaient en réunion avec elle et lui disaient: « Vous devriez retourner dans la pièce où il y a toutes les femmes. » Et elle a dit non, ma place est ici. Donc le message, c’est que vous devez avoir assez de confiance en vous, ou en avoir l’air, pour dire: « Non, j’ai le droit d’être là, vous devez m’écouter. »
Qui sait d’où viendra le prochain Einstein ? ” Les filles sont aussi bonnes en sciences que les garçons ”