De l’insuline pour orchestrer la croissance À la une
Un jeune chercheur niçois reçoit la médaille de bronze du CNRS pour ses travaux sur la croissance harmonieuse des organes
Pourquoi la taille de nos avantbras représente obstinément, un sixième de celle de notre corps, la taille de nos jambes quatre fois celle de la tête ou encorecelle la main est superposable à celle de la tête? Vous ne vous êtes jamais posé ce typedequestions? JulienColombani, jeune chercheur au sein de l’Institut de biologie de Valrose, àNice (équipe de PierreLeopold), lesaposées pour vous à ses amies les mouches de vinaigre, les drosophiles. Et elles lui ont répondu. Grâce à cet excellent modèle d’étude, le scientifique niçois a identifié une molécule qui orchestrede façon magistrale le développement harmonieux des organes. « Nous cherchions à comprendre les mécanismes de régulation de la croissance tissulaire, en d’autres termes, comment les proportions entre les organes étaient contrôlées, résume Julien Colombani. Pour progresser dans ces recherches, nous avons créé des mutants de la drosophile. C’est ainsi que nous avons identifié une nouvellemolécule, de la famillede l’insuline, jouant un rôle clé dans la coordination de la taille des organes. Lorsque cette molé- cule est absente, l’animal devient asymétrique ; la taille de ses ailes peut différer de plus de 10 % entre elles, comme si on avait un bras de 10 cm plus court que l’autre! »
Des informations transmises aux autres tissus
Cette molécule, secrétée par un organe qui croît moins vite que les autres, enverrait un signal aux autres tissus pour qu’ils se développentàune vitesse réduite, et que les propor- tions soient ainsi conservées. « On retrouve cette situation chez l’homme. Ainsi, une fracture des os longs (comme le fémur ou le tibia, ndlr) chez un enfant entraîne un retarddans la puberté. Sachant que la puberté fixe la taille des organes (c’est pendant cette période que les os se calcifient), ce délai offre la possibilité au tissu lésé de se régénérer, pour qu’au final il ait la même taille que le tissu sain. La molécule que nous avons identifiée joue un rôle essentiel dans ce pro- cessus, en contrôlant le programme développemental. » Les recherches de Julien Colombani, publiées ces dernières années dans les journaux scientifiques les plus prestigieux au monde ( Nature, Science) lui ont valu cette semained’obtenir la médaille de bronze du CNRS, qui récompense le premier travail d’un chercheur considérécommeun spécialiste de talent dans son domaine. Et il vient encore de le démontrer en décryptant les mécanismes en jeu dans ces régulations. « Nous avons montré comment chaque tissu ressent et mesure sa taille au cours dudéveloppement, en “interprétant” les forces mécaniques, les contraintes, les étirements au niveau des cellules et comment cette information est transmise aux autres tissus. » Si ces découvertes permettent de progresser sur le chemin de la connaissance de la physiologie humaine, elles sont aussi riches d’enseignement sur des pathologies comme le cancer ou les maladieschroniques inflammatoires. Parions que nous entendrons encoretrès prochainement parler de Julien Colombani.