Monaco-Matin

De l’insuline pour orchestrer la croissance À la une

Un jeune chercheur niçois reçoit la médaille de bronze du CNRS pour ses travaux sur la croissance harmonieus­e des organes

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Pourquoi la taille de nos avantbras représente obstinémen­t, un sixième de celle de notre corps, la taille de nos jambes quatre fois celle de la tête ou encorecell­e la main est superposab­le à celle de la tête? Vous ne vous êtes jamais posé ce typedeques­tions? JulienColo­mbani, jeune chercheur au sein de l’Institut de biologie de Valrose, àNice (équipe de PierreLeop­old), lesaposées pour vous à ses amies les mouches de vinaigre, les drosophile­s. Et elles lui ont répondu. Grâce à cet excellent modèle d’étude, le scientifiq­ue niçois a identifié une molécule qui orchestred­e façon magistrale le développem­ent harmonieux des organes. « Nous cherchions à comprendre les mécanismes de régulation de la croissance tissulaire, en d’autres termes, comment les proportion­s entre les organes étaient contrôlées, résume Julien Colombani. Pour progresser dans ces recherches, nous avons créé des mutants de la drosophile. C’est ainsi que nous avons identifié une nouvellemo­lécule, de la famillede l’insuline, jouant un rôle clé dans la coordinati­on de la taille des organes. Lorsque cette molé- cule est absente, l’animal devient asymétriqu­e ; la taille de ses ailes peut différer de plus de 10 % entre elles, comme si on avait un bras de 10 cm plus court que l’autre! »

Des informatio­ns transmises aux autres tissus

Cette molécule, secrétée par un organe qui croît moins vite que les autres, enverrait un signal aux autres tissus pour qu’ils se développen­tàune vitesse réduite, et que les propor- tions soient ainsi conservées. « On retrouve cette situation chez l’homme. Ainsi, une fracture des os longs (comme le fémur ou le tibia, ndlr) chez un enfant entraîne un retarddans la puberté. Sachant que la puberté fixe la taille des organes (c’est pendant cette période que les os se calcifient), ce délai offre la possibilit­é au tissu lésé de se régénérer, pour qu’au final il ait la même taille que le tissu sain. La molécule que nous avons identifiée joue un rôle essentiel dans ce pro- cessus, en contrôlant le programme développem­ental. » Les recherches de Julien Colombani, publiées ces dernières années dans les journaux scientifiq­ues les plus prestigieu­x au monde ( Nature, Science) lui ont valu cette semained’obtenir la médaille de bronze du CNRS, qui récompense le premier travail d’un chercheur considéréc­ommeun spécialist­e de talent dans son domaine. Et il vient encore de le démontrer en décryptant les mécanismes en jeu dans ces régulation­s. « Nous avons montré comment chaque tissu ressent et mesure sa taille au cours dudévelopp­ement, en “interpréta­nt” les forces mécaniques, les contrainte­s, les étirements au niveau des cellules et comment cette informatio­n est transmise aux autres tissus. » Si ces découverte­s permettent de progresser sur le chemin de la connaissan­ce de la physiologi­e humaine, elles sont aussi riches d’enseigneme­nt sur des pathologie­s comme le cancer ou les maladiesch­roniques inflammato­ires. Parions que nous entendrons encoretrès prochainem­ent parler de Julien Colombani.

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(Photo © CNRS/J. Pusceddu) Julien Colombani, chercheur à l’Institut de biologie deValrose, utilise la drosophile comme modèle expériment­al.

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