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Le temps de la démocratie d’opinion – cocktail quotidien de sondages, de discours politiques et de commentaires médiatiques – s’achève. L’heure de vérité arrive : la parole aux citoyens. Depuis trois mois, la primaire de la droite et du centre s’est transformée en une course de chevaux : percée décrétée irrésistible de Sarkozy en septembre, triomphe annoncé de Juppé en octobre, retour fulgurant de Fillon en novembre. Les urnes trancheront demain soir. Inutile de se perdre en pronostics. En revanche, cette élection comporte des enseignements qu’il faut souligner avant que le tohu- bohu des résultats ne les engloutisse. Premier constat, les Cassandre ont eu tort : cette primaire s’est déroulée sans tourner à la foire d’empoigne. Certes, le campagne a été émaillée de quelques saillies plus ou moins virulentes, mais elle n’a pas dégénéré en un combat de rue. Si les sept candidats ont donné des coups, ce qui n’est pas illégitime, ils se sont gardés de s’étriper. Tous ont compris qu’il n’y avait aucun intérêt car, pour l’emporter au second tour, il faudra rassembler. Il fallait convaincre sans blesser à mort. Les trois rencontres télévisées ont donc donné lieu à trois débats de fond. Nous avons échappé au pugilat et à la politique spectacle. Certains peuvent le regretter. La politique y a gagné en sérieux. Il est vrai que les programmes ne sont pas très différents. Ils ne se différencient pas sur les mesures à adopter mais sur leur intensité. Exemple, la réduction du nombre de fonctionnaires. Deuxième constat, la droite n’avance pas masquée. Jamais, sans doute, ses candidats n’ont à ce point assumé leurs convictions. Cette primaire aura décomplexé leurs discours. Sans doute parce que tous pensent que la société française s’est droitisée. Egalement parce que la primaire est un entre- soi, une affaire de famille au sein de laquelle la parole se libère. Pas de trucage donc ! Au- delà des électeurs de la primaire, tout le monde, en tout cas, a pu comprendre ce que fera le vainqueur de ce scrutin s’il devient ensuite président de la République. Troisième constat, l’imagination n’est pas au rendez- vous. Il est bien difficile de trouver dans ces programmes de la nouveauté. La droite rebat sans cesse les cartes du même jeu : temps de travail nombre de fonctionnaires, âge de la retraite, etc. Personne ne s’y interroge sérieusement sur les conséquences de la mondialisation, le déclassement d’une large partie de la population, la peur du déclassement chez beaucoup d’autres. Pas de réflexion non plus, à l’exception de Nathalie Kosciusco-Morizet, sur l’économie de demain, la transition énergétique, les industries d’avenir, le travail dans le futur. Bref, peu de vision et de mise en perspective du destin collectif français. C’est sans doute le plus regrettable dans cette primaire qui restera tout de même comme un progrès démocratique.
« Cette primaire s’est déroulée sans tourner à la foire d’empoigne. »