Monaco-Matin

Vivre avec un encombrant colocatair­e

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Alban Orsini a 32 ans lorsqu’on lui apprend qu’il est diabétique de type 1. La révélation de sa maladie est un choc. Du jour au lendemain, il se retrouve propulsé à l’hôpital et doit apprendre à gérer sa glycémie. Quatre ans plus tard, il est devenu imbattable dans le calcul des glucides. Il raconte son expérience dans un livre, Merci pour ce dia

bète! qu’il sous-titre « Journal scientifiq­ue et humoristiq­ue d’un diabétique », à la fois drôle et documenté. Rencontre avec ce patient à laplume folle qui ponctue ses dédicaces d’un « Glycémique­ment vôtre, Alban, 1,31 g/l » .

Pourquoi avoir voulu écrire un livre sur le diabète?

Lorsque j’ai été hospitalis­é et qu’onm’a annoncé que j’étais diabétique de type , jeme suis retrouvé confronté à la réalité de lamaladie. Alors, j’ai tout de suite griffonné des notes, consigné des ressentis. C’était un peu aussi pour dédramatis­er la situation. À la base, je suis un scientifiq­ue, alors j’ai besoin de tout comprendre. En sortant de l’hôpital, j’ai voulu consulter des livres sur le sujet.  % d’entre eux parlaient en fait de régimes. Ce n’était pas ma réalité, rien n’expliquait vraiment ce qu’était le diabète et comment vivre avec.

Vous étiez pourtant en terrain connu : le diabète est une affaire de famille chez vous...

Oui, mon arrière- grandmère, ma grand-mère étaient diabétique­s. Ma mère l’est également. Pour autant, je ne me rendais pas vraiment compte de ce que pouvait être la maladie. Ça doit être comme l’accoucheme­nt: il faut le vivre pour comprendre. Finalement, le diabète, on en entend parler mais si on n’est pas concerné, on ne sait pas ce que c’est. J’ai l’impression qu’il y a comme un tabou: les gens ne parlent pas de leur maladie (quelle qu’elle soit, d’ailleurs), elle doit rester dans le privé.

Cela fait quatre ans que vous vivez avec lamaladie. Comment cela se passe-t-il aujourd’hui?

J’ai intégré tout cela comme de nouvelles habitudes. Si onm’enlevait ma pompe à insuline, ça me semblerait étrange. Ce serait comme si vous, on vous demandait de ne plus vous laver les dents! Finalement, le diabète c’est une gestion du quotidien particuliè­re.

Quel message entendiez-vous faire passer à travers ce livre?

D’une part, ça va sembler présomptue­ux, mais j’aurais aimé trouver un livre tel que celui- ci lorsque j’ai découvert ma maladie. D’autre part, je voudrais que les diabétique­s se réappropri­ent leur corps. Lorsque j’ai fait le choix de porter une pompe à insuline, j’ai voulu poser pour une photo tout nu… avec la pompe (ici la version habillée, Ndlr). Car elle fait partie demoi. Ça n’a pas été facile car je suis hyperpudiq­ue mais j’en ai ressenti le besoin. J’ai eu un déclic.

Quelle a été la réaction de votre entourage à la lecture du livre?

Ceux qui me connaissen­t de très près ont trouvé qu’il me ressemblai­t. Ceux qui me connaissen­t de plus loin ne mesuraient pas ce qu’il m’arrivait. Ils se sont rendus compte que j’étais capable de compter les glucides d’un plat de pâtes ( rires)!

Pourquoi avoir choisi d’alterner la narration et les intermèdes purement scientifiq­ues?

Je voulais qu’on puisse lire de plusieurs façons. Ceux qui ne sont pas passionnés par le diabète peuvent se contenter de la partie romancée, tandis que lesmalades peuvent consulter les informatio­ns scientifiq­ues. Ce livre est comme une encyclopéd­ie sur laquelle on peut revenir de temps en temps.

Comment avez-vous travaillé pendant la rédaction?

Je me suis appuyé sur les notes que j’avais prises, les recherches que j’ai faites et sur toutes les rencontres avec d’autresmala­des. Je me suis également entouré de profession­nels de santé pour ne pas commettre d’erreurs.

Vous semblez vouloir sortir de l’ombre le quotidien d’un diabétique...

Je ne veux pas que la maladie au sens large soit un tabou. Lorsque je dîne au restaurant avec ma mère, nous sortons tous les deux notre matériel. C’est, quelque part, un acte militant. Je n’ai pas envie d’avoiràme cacher. Tous les diabétique­s ne le vivent pas de lamême manière. Cela nous arrive à tous d’en avoir ras-le-bol. Chez certains, il y a beaucoup de détresse voire de dépression. Ce livre est aussi unemanière d’expliquer à l’entourage, surtout aux parents d’ados diabétique­s, pourquoi leurs enfants ont parfois envie de tout envoyer balader.

Votremère est diabétique. Est-ce que la découverte de votre propre diabète a changé vos relations?

D’une certainema­nière, oui, car j’ai compris réellement ce qu’elle vivait. Bizarremen­t, lorsqu’elle a appris, elle a culpabilis­é alors qu’elle est de type , et moi de type . Elle n’y est pour rien. Quelque part, ça nous a rapprochés. Maintenant, j’ai même tendance à la sermonner lorsqu’elle ne fait pas assez attention à son diabète!

 ??  ?? Alban Orsini a dû se réappropri­er son corps avec la maladie. Désormais, la pompe à insuline fait partie de lui. La montrer relève, d’une certaine manière, de l’acte militant.
Alban Orsini a dû se réappropri­er son corps avec la maladie. Désormais, la pompe à insuline fait partie de lui. La montrer relève, d’une certaine manière, de l’acte militant.

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