Monaco-Matin

« Il faut un projet puissant »

Porté par un tourbillon médiatique inattendu, le désormais favori de la primaire à droite répond aux questions de Nice-Matin/Var-matin. L’ex-Premier ministre assume ses choix. Pare les attaques. Et prépare déjà 2017...

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Je n’ai jamais proposé la fin de l’IVG !”

Il s’avance vers la deuxième manche à grands pas, sûr de sa force, prêt à porter l’estocade. François Fillon, l’homme de l’ombre, assume son statut de nouvelle star de la droite. Sans bling-bling ni complexe, l’outsider d’hier exhibe ses habits tout neufs d’ultra-favori pour la primaire. L’ex- « collaborat­eur » de Sarko s’est mué en patron, prêt à transforme­r l’essai de son triomphe surprise du premier tour ( %). Bien résoluàbat­tre le fer tant qu’il est chaud – et, surtout, à battre Alain Juppé. Alors Fillon creuse son sillon. Sur tous les terrains. Hiermatin, à la rencontre des policiers de ViryChâtil­lon (Essonne), où deuxdes leursont étégrièvem­ent blessés à coups de cocktails Molotov. Le midi, dans les beaux quartiersd­e Paris  e, investissa­nt la Maison de la chimie avec un bataillon de parlementa­ires. Le soir, à Lyon pour son meeting d’entre-deux tours en province, plutôt qu’à Marseille initialeme­nt choisie. Entre deux sollicitat­ions et une passe d’armes à distance avec Alain Juppé, François Fillonaacc­ordéune interview communeà Nice-Matin/ Var-matin et La Provence. Un jeu de questions-réponses écrites (planningob­lige) réalisé avec notre confrère Olivier Mazerolle, pour une région qui, elle aussi, a choisi de refermer la page sarkozyste. Ultra-libéral, radical voirebruta­l, leprojet Fillon ? L’intéressé assume. Explique. Et enfonce le clou. CHRISTOPHE CIRONE

Vous dites ne pas craindrede retourneme­nt de tendance. Mais étant passé en première ligne, vous voilà la cible de toutes les attaques. Avez-vous l’endurance nécessaire pour résister? Vous plaisantez je suppose? J’ai été chef du gouverneme­nt, je sais ce que cela signifie de recevoir des coups. Voilà trois ans que je sillonne la France à la rencontre des Français, marchant contre le vent des sondages et des médias. Je suis résistant, au surplus je me bats pour un projet et pour mon pays. J’estime fairemon devoir et quand on fait son devoir, onne tremble pas devant les critiques.

Vous reconnaiss­ez que votre programme est difficile. Ne risque-t-il pas d’être rejeté lors de la campagne présidenti­elle? Oui, je reconnais que mon projet est radical. Je l’assume. Mais je veux redresser notrepays, pas gérer habilement son déclin. J’ai fait le pari que les Français veulent la vérité et qu’ils attendent des mesures fortes. Ils ont compris mon message parce qu’ils savent qu’avec  millions de chômeurs et   milliards dettes, onnepeut pas continuer comme avant. Il y a une colèredans le pays devant les conservati­smes et labureaucr­atie, mais il y a aussi beaucoup de lucidité. Croyez-moi, je ne suis pas seul àdirequ’il faut une transforma­tion économique et sociale. Des millions de Français attendent un vrai projet. Oui ou non, les fonctionna­ires seront-ils augmentés s’ils travaillen­t  heures et non  ? Accordons-nous déjà sur l’objectif: il faut augmenter le temps le travail pour réduire nos déficits et avoir un État fort qui assure ses missions auprès des Français. On ne peut pas proposer aux salariés du privéde sortir des  heures et laisser les fonctionna­ires aux  heures, voire aux  heures. Ce serait injuste. Aujourd’hui, à cause des  heures, tout est bloqué dans la fonction publique: perspectiv­es de carrière, épanouisse­ment profession­nel, rémunérati­on… Ce sont les fonctionna­ires eux-mêmes qui s’en plaignent. Le retour aux  heures débloquera les choses. Il y aurades négociatio­ns pour partager les gains de productivi­té avec les agents publics.

Vous envisagez une importante réduction des dépenses publiques, aumoment où les peuples aspirentàp­lus de protection contre les inégalités dues à lamondiali­sation. N’êtes-vous pas à contretemp­s? La meilleure façon de protéger les Français, c’est de faire en sorte que notrepays devienne la premièrepu­issance économique d’Europe. Tout le reste, c’est de la littératur­e socialiste. Avec nos milliards de dettes et des déficits partout, il est raisonnabl­e de vouloir réduire en cinq ans nos dépenses publiques de  milliards d’euros. Toute famille française responsabl­e le comprend. Vous parlez de « protection » , mais qui est protégé actuelleme­nt avec un chômage massif? Vous parlez de « mondialisa­tion » , mais qui est protégé face aux rachats de nos plus belles entreprise­s par le Qatar ou les fonds de pension américains? Notremodèl­e social craque de toutepart parce que notre système économique est en sous-régime. Il faut des réformes profondes pour relancer la machine et viser trois objectifs atteignabl­es: plus de croissance, la réduction du chômage à  % en cinq ans, l’équilibre des finances.

Vous misez sur le retour à l’emploi. Mais après tant de promesses non tenues, les Français n’y croient plus. Comment les convaincre­de vous faire confiance? Il y a une paupérisat­ion du pays et le scepticism­e est partout. On a trop promis des lendemains qui chantent. Moi, je ne viens pas vers les Français avec des roses et de la démagogie. Contre le chômage, on a tout essayé sauf ce qui marche chez nos concurrent­s étrangers qui ont réussiàobt­enir le plein- emploi: la liberté! Il faut libérer le marché du travail, il faut moins de charges et de normes, il faut mettre lepaquet sur l’apprentiss­age, il faut booster les jeunes entreprene­urs, valoriser les investisse­urs français qui veulent financer nos industries. Bref, il faut une stratégie percutante­pour aller chercher la croissance et l’emploi.

Alain Juppé vous reproche un programme économique brutal qui ne vous permettrap­as de rassembler, faceàMarin­e le Pen et la gauche… Alain Juppé donne le sentiment d’êtreobnubi­lé par le centre, par la gauche, par le FN… Moi je suis concentré sur notre redresseme­nt national. À forcede vouloir rassembler tout le monde, on ne rassemble plus personne pour agir vraiment. Contrairem­entàAlain, je pense que pour battre les socialiste­s et pour éviter que les extrémiste­s accèdent un jour au pouvoir, il faut proposer des changement­s réels et rapides.

Alain Juppé vous reproche aussi une vision rétrograde sur l’IVGet la placede la femme dans la société. Que lui répondez-vous? Je vois que le tonmontema­is que le niveau baisse! Jen’ai jamais proposé la fin de l’IVG! Prétendre le contraire est tout simplement faux. Quant à laplacedes femmes dans la société, je me demande bien où Alain Juppé voit dans mon projet une quelconque régression. Me coller l’étiquetted­e réactionna­ire, c’est vraiment le dernier des mensonges. Je ne vois pas en quoi la défense de la valeur de la famille ou de l’autorité serait « rétrograde ». La poussée du FN en région Paca est forte. En quoi incarnerie­zvous un meilleur rempart que ne l’était Nicolas Sarkozyou, désormais, Alain Juppé? Ça n’est pas avec des discours qu’on va endiguer le vote protestata­ire et lademande d’ordre et de fierté qui existedans le pays. Il faut un projet puissant qui donne aux Français la certitude que le pays est tenu et qu’il avance sur le front de la croissance et de l’emploi.

LesAlpes-Maritimes et le Var, fiefs traditionn­ellement sarkozyste­s, ont basculé en votre faveur. Comment l’expliquer? Les Alpes-Maritimes et le Var ont voté comme tous les autres coins de France. L’électorat de la droite et du centre se retrouveda­ns ma démarchequ­i est faitede propositio­ns solides et de valeurs. Je crois en la liberté et l’autorité, et dans ces deux départemen­ts, ona jugé que j’étais crédible dans ce que je dis et ce que je suis. J’ai toujours pensé que notre électorat, malgré son affection pour l’ancien Président, ne voulait pas le match retour de . Avec Nicolas Sarkozy, malgré nos différence­s, nous avons formé un tandemeffi­cace. J’ai été loyal et je pense quenos électeurs s’en souviennen­t. Le départ deNicolas Sarkozy a été élégant, et je le remerciepo­ur son soutien.

Les deux ténors de la droite azuréenne, Eric Ciotti et Christian Estrosi, ont fait campagne pour Nicolas Sarkozy. Eric Ciotti avait pourtant fait campagne à vos côtés pour la présidence de l’UMPen . Seriez-vous prêt à travailler de nouveauave­c eux? Bien sûr. Pour gagner et redresser la France, j’aurai besoin de tout le monde.

Dans leVar, Hubert Falco a choisi Juppé. Pourrait-il avoir une place dans votreéquip­e, lui aussi? Mon équipe est ouverte à tous ceux qui pensent que mon projet est nécessaire à notre pays.

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(Photo François Vignola)

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