Serge Telle: « Le prince est un chef d’Étatmoderne »
Le ministre d’État était, hier matin au Yacht-Club, l’invité du Monaco Press club. L’occasion pour Serge Telle d’évoquer notamment les négociations avec l’Union Européenne
SergeTelle estdeceuxqui prennent le temps d’échanger, d’expliquer, d’écouter ne confondant pas communication et information. L’ancien diplomate, notamment premier ambassadeurde Franceà Monaco, ministre d’État depuis le début de l’année, maîtrise l’artde la rhétorique, un brin taquin. Hier matin, au Yacht-Club, il a rencontré les membres du Monaco Press club pourévoquernotamment lesnégociations qui se trament entre la Principauté et l’Union Européenne. Une Europequ’il voit comme une opportunité. Il a répondu aux questions des journalistes et a expliqué les enjeux et les perspectives pour Monaco.
L’Europe, c’est également un enjeu pour Monaco. Y a-t-il une priorité? Ilyenabeaucoup… Nous sommes fondamentalement un pays européen. Et il faut, enmêmetemps, que ce que nous sommes perdure. Avec des accordsentre la Principautéet l’UE, Monaco gagnerait en souveraineté. D’aucuns affirment plutôt que Monacorisque d’être broyépar le rouleau compresseur de l’UE… L’Europe va nous permettre d’avoir accèsaumarché intérieur. Aujourd’hui, nos entreprises ont du mal à exporter nos produits. L’industrie pharmaceutique Asepta Akiléïnepar exemple, un des fleuronsde l’économiemonégasque, doitavoir une SARL à Beausoleil pourexporter ses produits. Et les contraintes sont lesmêmes pour les gens qui veulent circulerausein des vingt-huit États membres. Parexemple, les étudiantsdenationalité monégasque ne peuvent pas faireun programme Erasmus.
Maispourquoi négocier maintenant avec l’UE ? Ilyavait accordsavec la Francequi protégeaient Monaco. Mais la Francen’a plusaucunpouvoirde négociation dans un certain nombredesecteurs. Nous avons doncbesoin de traiter directement avec l’Europe. Et nousallons le faire. La négociation se poursuit.
Quidde la priorité nationale? Elle serarespectée.
Mais comment négocier avecunmastodonte? C’est un peu Davidet Goliath. Et vous savezqui remporte le combat… Nous savons exactement où nousvoulons aller. Ilya, ducôtéeuropéen, une vraie volonté de voir cet espacegéographique européen rassemblé. Ils le souhaitent. Et nous le voulonsaussi.
L’accord idéal? Permettre aux Monégasques de s’installeroù ils le souhaitent dans l’espace européen. Idempour la circulationdes produits.
Ala liberté d’établissement pour les Monégasquesne doitpas correspondre la possibilitépour les ressortissants de l’UE de s’installerà Monaco?... Onne va pas avoir des hordes de Monégasques désireux de s’installerdans l’UE. Etonne peutpas accueillir des hordes d’Européens. Avec nationaux, nous n’avons pas toutes les compétences. C’est pour cela que Monacoa toujours étéouvert sur le monde. Mais nousveillerons àcequ’ilyait toujoursun mécanismed’autorisation préalablepour s’installer sur le territoire. Ce sera en fonction de nosbesoins. C’est une règle qui fonctionnera sur les exceptions, dans un régime dérogatoire.
Comment transposer le droit européen? Ca, c’est unemontagne à gravir. Noussommes déjà trèsavancés. Nous réfléchissons sur lesbesoins en personnel pour trier la réglementation sur la circulationdes marchandises. Le travail est colossal. Nous devons reprendre l’acquis communautaireet l’acquis dynamique, c’est-à-direce qui va revenir. Bruxelles continuechaque jour à produiredutexte. Nous allons regarder avec le conseil national comment faireaumieux. Les élus savent exactementoùnous ensommes et sontassociés à cettenégociation qui entraînerades conséquences sur le fonctionnement des institutions. Ya-t-il des échéances? Je ne crois pas quenous puissionsconclureavant deuxoutrois ans. L’Europe est rentrée dansune grande périoded’incertitude marquée par le Brexit et probablement aussi par l’élection de Donald Trump aux États-Unis. Nous ne sommes pas pressés. Avec un budgetexcédentaire, nous n’avons pas besoinde l’argent communautaire.
Et si vous ne parvenez pas àunaccord? Nousnefermerons pas la porte à l’Europe car il y aura, peut-être, un jour, la possibilitéd’unaccord.
La tendanceau protectionnismeest également présenteà Monaco… Le nationalisme n’est jamais une bonne nouvelle. À Monaco, je penseque les discours sont en train d’évoluer car le gouvernementexposeen permanenceson travail. Les préoccupations sont justifiées. Le princeveut que Monaco se développe et que les Monégasquesyvivent heureux. C’est notrefeuille de route.
Et si Marine Le Penétait élueprésidente en ? Je ne vois pas Marine le Pen arriver au pouvoir en France. Je ne le souhaitepas.