Monaco-Matin

« Le score de Fillon va souffrir ausecond tour »

- PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY PRUDHON

Cofondateu­r de l’institut d’enquête Artenice le Niçois n’en pose pas moins un regardcrit­ique sur le monde des sondeurs. Il intervient fréquemmen­t auprès des étudiants, pour les former à une lecture prudente des mesures de l’opinion. Il décrypte ici larécente faillite des sondages, aux États-Uniscommee­n France.

Est-ce que ce sont les sondeurs qui ne sont pas bons, ou les citoyens qui sont devenus insondable­s? Nous avons assisté à la primaire à un vote qui n’était pas pour quelqu’un, mais contre quelqu’un. Ce phénomène s’affirme d’élection en élection. C’est ce qui s’est passé en  en France, pour Trump aux États-Unis et lors de ce premier tour de la primaire. Les gens se sont d’abord mobilisés pour faire barrage à Nicolas Sarkozy, avant de choisir entre Fillon et Juppé.

Mais comment expliquer que les instituts aient si mal évalué Fillon? Ce vote de refus pose un premier problème méthodolog­ique. On ne tient pas assez compte de la psychologi­e des électeurs. Il y a un travail accru de sociologie à faire. Ensuite, les sondages se font par Internet et cela écarte une partie des seniors des enquêtes, alors que notamment dans l’électorat de droite, ils sont beaucoup plus mobilisés que les jeunes pour aller voter. Le vote des personnes de  ans est sous- estimé dans les sondages, qui sont faits par Internet simplement parce que ça coûtemoins cher. Mais interroger in fine  personnes amène à tirer des plans sur la comète avec des outils de redresseme­nt qui ne sont pas fiables.

Faut-il donc augmenter sensibleme­nt le nombre des personnes interrogée­s pour des sondages fiables? Ce n’est pas tant le volume que la constructi­on des échantillo­ns qui pose problème, même si en dessous de mille personnes un sondage ne veut pas dire grand- chose. En France, on utilise la méthode des quotas, contrairem­ent aux ÉtatsUnis où les sondeurs procèdent par tirage au sort dans la population. Les deux systèmes ont leurs faiblesses. On voit aujourd’hui des ouvriers voter à droite, des patrons à gauche. Le découpage socio-profession­nel n’est donc plus un indicateur extrêmemen­t fiable. Il faut réfléchir à un découpage plus sociologiq­ue. On ne peut plus dire désormais qu’un cadre supérieur va voter comme un autre cadre supérieur, ce n’est plus vrai. Au Brésil, nous utilisonsu­neméthodeb­asée sur le tauxd’équipement des ménages, ce qui donne des résultats plus précis. Mais ça réclame aussi un travail plus important de segmentati­on des population­s. Les sondages manquent globalemen­t de méthodolog­ie. Jeme suis insurgé contre des sondages, municipaux notamment, où au final on tirait des projection­s sur une quarantain­e d’individus qui avaient répondu à une question. Et le problème, c’est que les sondages influencen­t le scrutin. Quand Juppé est annoncé vainqueur durant toute la campagne, forcément ça le dessert. Je me rappelle des municipale­s de  à Nice où on annonçait Estrosi élu dès le premier tour, ça a été contre-productif pour lui. Cela démobilise les électeurs qui ne voient plus l’intérêt de se déplacer pour un résultat acquis. Il y a là un vrai problème démocratiq­ue. C’est pour cela qu’il faut éduquer au décryptage des sondages, auxquels on veut faire trop dire. Quand un candidat passe de  à  %, par exemple, l’écart statistiqu­e n’est pas significat­if, cela indique en fait que rien ne bouge. Le problème, c’est que lesmédias aiment bien en tirer des conclusion­s et faire de grandes annonces. Si Juppé s’est pris une claque et si Fillon a pris autant de points, c’est parce qu’on a expliqué que Juppé serait forcément au second tour et que ceux qui n’avaient pas envie de Sarkozy se sont reportés massivemen­t sur Fillon, qui a profité de cet appel d’air.

Du coup, des électeurs peuvent-ils rebasculer vers Juppé dimanche ? Je suis convaincu que le second tour ne sera pas aussi brillant que le premier pour Fillon. Il ne sera pas élu avec  ou  % des voix. Fillon a profité de l’envie de sortir Sarkozy du second tour. Maintenant, les choses vont se rééquilibr­er, voire peut-être s’inverser. Le scorede Fillon, même si je n’ai aucune indication, va je pense souffrir au  tour. 1. L’un des rares ayant anticipé l’irruption de Fillon au second tour et l’effritemen­t de Juppé.

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(Photo N.-M.) Frédéric Ganneval, cofondateu­r de l’institut d’enquête Artenice.

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