« Le score de Fillon va souffrir ausecond tour »
Cofondateur de l’institut d’enquête Artenice le Niçois n’en pose pas moins un regardcritique sur le monde des sondeurs. Il intervient fréquemment auprès des étudiants, pour les former à une lecture prudente des mesures de l’opinion. Il décrypte ici larécente faillite des sondages, aux États-Uniscommeen France.
Est-ce que ce sont les sondeurs qui ne sont pas bons, ou les citoyens qui sont devenus insondables? Nous avons assisté à la primaire à un vote qui n’était pas pour quelqu’un, mais contre quelqu’un. Ce phénomène s’affirme d’élection en élection. C’est ce qui s’est passé en en France, pour Trump aux États-Unis et lors de ce premier tour de la primaire. Les gens se sont d’abord mobilisés pour faire barrage à Nicolas Sarkozy, avant de choisir entre Fillon et Juppé.
Mais comment expliquer que les instituts aient si mal évalué Fillon? Ce vote de refus pose un premier problème méthodologique. On ne tient pas assez compte de la psychologie des électeurs. Il y a un travail accru de sociologie à faire. Ensuite, les sondages se font par Internet et cela écarte une partie des seniors des enquêtes, alors que notamment dans l’électorat de droite, ils sont beaucoup plus mobilisés que les jeunes pour aller voter. Le vote des personnes de ans est sous- estimé dans les sondages, qui sont faits par Internet simplement parce que ça coûtemoins cher. Mais interroger in fine personnes amène à tirer des plans sur la comète avec des outils de redressement qui ne sont pas fiables.
Faut-il donc augmenter sensiblement le nombre des personnes interrogées pour des sondages fiables? Ce n’est pas tant le volume que la construction des échantillons qui pose problème, même si en dessous de mille personnes un sondage ne veut pas dire grand- chose. En France, on utilise la méthode des quotas, contrairement aux ÉtatsUnis où les sondeurs procèdent par tirage au sort dans la population. Les deux systèmes ont leurs faiblesses. On voit aujourd’hui des ouvriers voter à droite, des patrons à gauche. Le découpage socio-professionnel n’est donc plus un indicateur extrêmement fiable. Il faut réfléchir à un découpage plus sociologique. On ne peut plus dire désormais qu’un cadre supérieur va voter comme un autre cadre supérieur, ce n’est plus vrai. Au Brésil, nous utilisonsuneméthodebasée sur le tauxd’équipement des ménages, ce qui donne des résultats plus précis. Mais ça réclame aussi un travail plus important de segmentation des populations. Les sondages manquent globalement de méthodologie. Jeme suis insurgé contre des sondages, municipaux notamment, où au final on tirait des projections sur une quarantaine d’individus qui avaient répondu à une question. Et le problème, c’est que les sondages influencent le scrutin. Quand Juppé est annoncé vainqueur durant toute la campagne, forcément ça le dessert. Je me rappelle des municipales de à Nice où on annonçait Estrosi élu dès le premier tour, ça a été contre-productif pour lui. Cela démobilise les électeurs qui ne voient plus l’intérêt de se déplacer pour un résultat acquis. Il y a là un vrai problème démocratique. C’est pour cela qu’il faut éduquer au décryptage des sondages, auxquels on veut faire trop dire. Quand un candidat passe de à %, par exemple, l’écart statistique n’est pas significatif, cela indique en fait que rien ne bouge. Le problème, c’est que lesmédias aiment bien en tirer des conclusions et faire de grandes annonces. Si Juppé s’est pris une claque et si Fillon a pris autant de points, c’est parce qu’on a expliqué que Juppé serait forcément au second tour et que ceux qui n’avaient pas envie de Sarkozy se sont reportés massivement sur Fillon, qui a profité de cet appel d’air.
Du coup, des électeurs peuvent-ils rebasculer vers Juppé dimanche ? Je suis convaincu que le second tour ne sera pas aussi brillant que le premier pour Fillon. Il ne sera pas élu avec ou % des voix. Fillon a profité de l’envie de sortir Sarkozy du second tour. Maintenant, les choses vont se rééquilibrer, voire peut-être s’inverser. Le scorede Fillon, même si je n’ai aucune indication, va je pense souffrir au tour. 1. L’un des rares ayant anticipé l’irruption de Fillon au second tour et l’effritement de Juppé.