Sursis requis contre un humanitaire niçois
Six mois de prison avec sursis ont été requis, à Nice, contre un ingénieur niçois. Lui dit avoir porté secours à des exilés en détresse. Le procureur dénonce une aide à l’immigration irrégulière
Pierre-Alain Mannoni, ingénieur niçois de 45 ans, père de deux enfants, qui comparaissait hieràNice, n’a rien à voir avec les exploiteurs de misère qui profitent de la détresse de migrants pour leur faire passer la frontière italofrançaise moyennant des centaines d’euros. Le 18 octobre, vers 4 h du matin, il a été intercepté par les gendarmes sur l’A8. À bordde sa Citroën, il transportait trois jeunes Érythréennes, dont une mineure. Il les avait prises en charge dans un vaste bâtiment de la SNCF squatté à Breil-sur-Roya. Placé en garde à vue, il a admis spontanément avoir déjà porté secours deux jours auparavant à quatre jeunes du Darfour perdus sur une route dangereuse de Saint-Dalmas-de-Tende. Tiraillé entre le respect de la loi et la nécessité d’aider des personnes en détresse, Pierre-Alain Mannoni a choisi. « C’est un geste complètement désintéressé et conforme avec mon éducation », explique cet homme au physique élancé devant le tribunal. « Porter secours à une personne en danger ce n’est pas une nécessité, c’est un devoir, rappelle le procureur Jean-Michel Prêtre. C’est différent que d’aider au séjour et à la circulation quand vous allez chercher dans un bâtiment des femmes que vous ne connaissez pas. » Le parquet fait la distinction entre l’action de Pierre-Alain Mannoni pour les jeunes duDarfour, « en péril et désorientés », et les Érythréennes. Les faits du 16 octobre n’ont pas été poursuivis à l’inverse de ceux du 18. « Vos convictions sont respectables mais je suis là pour faire respecter la loi », souligne le magistrat. Vous apportez une aide à des inconnus. Je pense que l’Italie, qui est un grand pays européen, s’occupe comme il faut des étrangers sur son territoire. Donc ces actions ne s’inscrivent pas dans la volonté de résoudre un problème humanitaire. Voilà pourquoi des poursuites ont été exercées. » Six mois de prison avec sursis sont requis. Me Maeva Binimelis, pour la défense, regrette le temps de l’accueil des Boat People et plaide la relaxe pour son client: « Il est dit que M. Mannoni ne connaît pas l’état de santé des trois jeunes femmes. C’est faux. Dans son esprit, il leur porte secours, elles sont blessées et marchent avec beaucoup de difficulté. » « Quel choix aurions-nous fait? C’est un acte humanitaire pour qu’elles puissent bénéficier de soins en toute sécurité » , insiste l’avocat. Le jugement a été mis en délibéré le 6 janvier.