Monaco-Matin

De Cordoue à Pékin,   bornes de générosité

Pour rénover une école au Congo, Manon et Jaime, un couple franco-espagnol, vont traverser 14 pays sur leur vélo. Ils faisaient escale, hier, à Menton sans savoir de quoi le lendemain sera fait...

- THIBAUT PARAT tparat@nicematin.fr Espagne, France, Italie, Slovénie, Croatie, Bosnie, Serbie, Roumanie, Ukraine, Russie, Kazakhstan, Ouzbékista­n, Kirghizist­an et Chine.

Sur leurs vélos, Manon Godot et Jaime Garcia ont tout du couple baroudeur. Lui tchatche avec un accent espagnol charmeur. Elle, la Normanded’origine au sourire spontané, vous cause de voyages comme « une façon de vivre ». Leurs montures d’acier trimballen­t chacun trente kilos de bagages. À l’avant, une carte routière, outil indispensa­ble pour s’orienter durant leur long voyage à travers quatorze pays ( 1). Et c’està Mentonqu’ils ont fait escale, hier après-midi. Les traits tirés. Les jambes engourdies par 2785 kilomètres d’asphalte avalés depuis le 18 septembre, au départ de Cordoue (Espagne). À peine 20 % de ce road-trip, motivé par un dessein humanitair­e. « Nous rallions Pékin en Chine ! Cela équivaut à peu près à 14000 kilomètres, jauge à la loupe Manon, tout juste la trentaine et juriste endroit de l’homme. On le fait pour Los Amigos de Ouzal, une associatio­n espagnole qui travaille sur l’éducation au Cameroun, au Congo ou encore en Boli- vie. » C’est pour un petit village congolais, Bukavu au bord du lac Kivu, que les deux tourtereau­x pédaleront jusqu’en décembre 2017. « Avec cette associatio­n, on sait où l’argent va, jure Jaime, professeur d’EPS et de plongée. Là, c’est pour la rénovation de l’école du village, pour l’instant toute délabrée et plus du tout en état. » Et à voir leur ton assuré, l’aventure n’a rien d’un casse- pipe même si le lendemain n’est jamais vraiment écrit à l’avance. Il faut dire que ces deux-là en ont dans la besace. En Amérique Latine, le stop était monnaie courante pour sillonner le continent. En Asie, ils avaient opté pour la moto. « Notre budget, c’est 20 euros par jour pour nous deux, logement et nourriture compris… », confientil­s. Se limiter à l’essentiel, aux besoins vitaux, voilà leur ligne de conduite. Et quand ils ne pratiquent pas le camping sauvage, les deux cyclistes peuvent toujours compter sur l’extrême générosité des autochtone­s qu’ils rencontren­t à travers des routes, finalement pas si hostiles. Souvent une main tendue. Une porte ouverte. Une douche chaude, en guise de cadeau. « Un jour, un homme nous a dit : ‘J’habite à Frontignan, à telle adresse. Les clés sont cachées ici, prenez-les’ On est restés deux jours chez lui, se souvient Manon, infiniment reconnaiss­ante. Ça redonne foi en le genre humain. » Alors oui, ce périple est loin d’être une partie de plaisir. Il y a les impondérab­les. Les crevaisons, déjà deux depuis le début. Ou les caprices de Dame Nature. « Après Marseille, on a roulé deux jours sous la pluie. On était trempés! » Mais finalement, leur peur bleue ce n’est ni le froid polaire qu’ils risquent de subir au coeur des Balkans, ni l’instabilit­é géopolitiq­ue de certains pays. « Ce sont les blessures! Un pépin pourrait nous faire abandonner ce voyage exceptionn­el. » Et ça, Manon et Jaime ne s’en remettront jamais. Le couple veut poser, coûte que coûte, le pied sur le sol chinois, quitteàpre­ndre le temps nécessaire. Il est d’ailleurs déjà l’heure de repartir de la cité des citrons. Àquelques kilomètres de là, c’est un nouveau pays qui s’offre à eux. Toujours avec cette inconnue du lendemain. « On ne sait pas encore où on va dormir ce soir », concèdent-ils, tout en s’éloignant sur le bord de mer. Direction la frontière.

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(Photo Michaël Alési) Petite halte sur le parvis dumusée Cocteau, avant de reprendre la route, direction la frontière italienne.

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