Dénégations
Au coeur d’une des plus grosses affaires politico-judiciaire de la Côte d’Azur, jugée depuis hier à Marseille, les promoteurs de la tour Odéon à Monaco ont réfuté toute corruption
C’est quand même quelque chose d’énorme le chantier de la tour Odéon » , insiste Christine Mée. En ce premier jour d’audience, lamagistratequi préside la sixième chambre du tribunal correctionnel de Marseille semble pourtant avoir un peu de mal à en prendre toute la mesure. Elleénumère les dimensions hors normes de ce building monégasque qui, avant même la pose de son premier parpaing, s’est retrouvé en 2009 au coeur d’une vaste affaire politicofinancière: « 170 mètres de haut, 49 étages… Et des devis de construction allant de 250000 à 370000 euros… » Lapsus. Un murmure parcourt immédiatement la salle: « Millions! » , rectifient d’une même voie les avocats des onze prévenus poursuivis dans cette affaire. Paolo et Claudio Marzocco, les promoteurs de la tour Odéon ne font d’ailleurs pas mystèrede l’enjeu financier de ce projet immobilier en plein coeurde la Principauté. « C’était des mois difficiles » , « je travaillais tous les jours jusqu’à minuit » , « je me disais si on n’y arrive pas je suis ruiné » , explique à la barre, Claudio, l’aîné des Marzocco. Alors, pour mettre un peu d’huile dans les rouages et débloquer quelques problèmes les frères Marzocco, poursuivis pour « corruption active » ont-ils succombé à la facilité et distribué « des enveloppes » ? C’est l’un des enjeux de ce procès qui vient de s’ouvrir et qui doit durer quinze jours.
« Nous n’avons jamais payé aucun élu »
Hier, Paolo et Claudio Marzoccoont été les premiers à devoir s’expliquer à labarre du tribunal. Et tous deux l’affirment: ils n’ont « jamais corrompu personne » . Pas plus directement, qu’indirectement au travers de leur « ami de 20 ans » Ange-Roméo Alberti. Cet entrepreneur italo-monégasque que tout le monde appelle « Lino » est l’homme clé de ce dossier. C’est chez lui, ou plus exactement chez sa compagne Chantal Grundig, la riche héritièrede l’équipementier allemand, que les enquêteurs pensent avoir mis la main sur un véritable pacte de corruption. Dans un coffrecaché dans le dressing de la villa de Roquebrune se trouvait un document faisant mentiondedix points bien précis. Cela va de l’obtention d’une autorisation de passage des camions du chantier Odéon sur la commune de Beausoleil à l’abandon par cette même commune de ses droitsdepréemption sur les terrains convoités par les promoteurs monégasques, en passant par l’assurance
que Beausoleil, toujours, ne déposera pas de recours contre le permis de construire de la tour. Pour cela, le maire de cette commune frontalière de Monaco aurait touché au moins 65000 euros en liquide. L’intéressé, Gérard Spinelli, écoute stoïque. Viendra son tour de ré--
futer, comme il l’a toujours fait, de telles allégations. Pour le moment ce sont les frères Marzocco qui s’en chargent: « Nous n’avons jamais payé aucun élu, pas plus Gérard Spinelli » , martèle Claudio. Pas seulement par principe moral. Mais, « parce que c’était inutile. Ce
projet était 100 % Monégasque. Nous n’avions pas besoin de Beausoleil. » Leurs avocats, notamment Me Eric Dupond-Moretti et Luc Brossollet, s’emploient d’ailleurs à en faire la démonstration matérielle. À défaut d’avoir obtenu, en amont, l’annulation pure et simpledurenvoi de leurs clients (ci-dessous).
Au tour de Lino Alberti
Les Marzocco réfutent tout pacte de corruption. Ils reconnaissent qu’il y a bien une proposition indécente mais qu’elle n’émanait pas d’eux. Ce serait Lino Alberti qui aurait rédigé lui-même cette liste de course qui les aurait d’ailleurs mis mal à l’aise. Claudio Marzocco affirme avoir décliné la proposition en « àpeine 20 minutes » lors d’un rendezvous dans le hall d’un palace monégasque. Ce qui ne l’a pas empêché, malgré tout, de faireappel à son vieil ami dans les semaines qui ont suivi. Lino Alberti a même reçu en retour une commission de 250000 euros en retour. « Mais c’était pour faire baisser les devis de Vinci, pas pour payer M. Spinelli » , assurent en choeur les frères Marzocco. Ce n’est pourtant pas la version livrée par « Lino ». Du coup le procureur de la république Ludovic Leclerc se demande bien l’intérêt que pourrait bien avoir celui-ci à s’accuser ainsi: « Qu’a-t-il de plus à y gagner qu’à y perdre? » , lance-t-ilà Claudio Marzocco qui rétorque, laconiquement: « Il faut le demander à M. Alberti. » Et c’est bien ce que le tribunal entend faire dès aujourd’hui.