Monaco-Matin

Lino, l’homme clé s’emmêle à la barre

Gérard Spinelli, maire de Beausoleil, et Lino Alberti n’ont pas fait mystère de leur vieille amitié. Pourtant depuis le début de cette affaire, leurs versions s’opposent et ont continué de s’affronter hier au tribunal

- ERIC GALLIANO

Aujourd’hui jemouille la chemise pour sauver ma peau! » Et ce n’est pas unvain mot. A la barre du tribunal correction­nel de Marseille, qui juge depuis le début de la semaine l’affaire « mains propres », Ange-Roméo Alberti est en sueur. Cet Italo-Monégasque que tout le monde appelle « Lino » et qui « connaît tout le mon deà Monaco » est au coeur de cette affaire politico-judiciaire. Le dossier d’instructio­n s’est nourri de ses agendas, où sont notés ses rendez-vous avec les promoteurs de la tour Odéon, et de ses écoutes téléphoniq­ues, où on l’entend demander à sacompagne de préparer une enveloppe pour « l’ami Gérard » . « Le copain de Beausoleil » dont il s’agit, ce serait Gérard Spinelli, le maire de cette commune limitrophe de Monaco, dont une partie des administré­s doit désormais vivre à l’ombre des 49 étages de la tour Odéon. C’est en tout cas ce qu’a affirmé « Lino » Alberti aux enquêteurs de la PJ et du GIR qui, fin novembre 2009, avaientmen­é ce vaste coup de filet conduisant également en garde à vue l’édile beausoleil­lois. Depuis ce jour, Gérard Spinelli, lui, a toujours nié ce délit de corruption pour lequel il est renvoyé devant la sixième chambre correction­nelle de Marseille. A l’audience, ce mardi, les deux versions de ces « amis de 30 ans » se sont une nouvelle fois affrontées.

« Aucun moyen juridique »

Appelé en premier à s’expliquer à la barre, le maire de Beausoleil l’a dit et redit: « Je n’ai jamais touché d’argent de la part de Monsieur Alberti. » S’ilabien rencontré les frères Marzocco, les promoteurs de la tour monégasque, c’était « pour en savoir plus » sur un projet qui forcément l’inquiétait du fait de sa proximité avec Beausoleil. Le maire en veut pour preuve cette lettre qu’il a lui-même adressée au préfet pour l’informer de ce projet de tour de très grande hauteur et lui demander de « défendre les intérêts des Beausoleil­lois » .

« Vous comprenez bien l’enjeu? »

S’il en a appelé à l’État français, c’est précisémen­t, selon lui, parce qu’il était le seul à pouvoir agir puisque « Beausoleil n’avait aucun moyen juridique » de s’opposer à un projet monégasque. Ses trois avocats, Mes Canu-Bernard, Szepetowsk­i et Vincensini, s’emploient à le démontrer point par point… Et s’interrogen­t sur l’existence d’un autre « Gérard » qui pourrait être le véritable destinatai­re de ces remises de fonds. Peut-être l’un de ces grands absents du procès ( lire ci-contre) dont la présidente Christine Mée est contrainte de lire les déposition­s. « Parce que le parquet n’a pas jugé utile de les poursuivre, eux » , s’insurge Me Dupond-Moretti. Si ce n’est que l’une de ses lectures concerne l’auditionde Chantal Grundig, la compagne d’Alberti, qui, elle aussi, l’affirme: « L’enveloppe était bien pour Gérard Spinelli. » Et selon ses déclaratio­ns faites aux enquêteurs, ce ne serait pas la première: « Il y en a eu pas mal. Surtout en période électorale. » Lorsque vient son tour de s’expliquer à la barre, Lino Alberti reconnaît volontiers qu’il a « toujours roulé pour Spinelli » , cet élu qui a « des qualités » mais qui « ne gagne pas grand-chose » . « Je l’ai toujours aidé du mieux que j’ai pu », affirmet-il même si, pour le coup, il l’enfonce en réitérant que l’enveloppe découverte chez lui était bien pour le mairede Beausoleil… Tout en affirmant que l’élu n’était pourtant pas au courant des « 10 commandeme­nts » exigés par les Mar- zocco. Un prétendu pacte de corruption­dont la présidente de la 6e chambre aimerait bien pouvoir cerner précisémen­t les contours.

« Quel était le montant de la commission? » « Pour quoi faire? » « Quand a été établie cette liste? » « A la demande de qui? » « Vous ou les Marzocco? » Christine Mée presse de questions l’homme clé de ce dossier qui, à labarre, s’emmêle dans ses différente­s versions et transpire de plus belle. « On n’y comprend plus rien », reconnaît la magistrate qui rappelle au prévenu l’importance que peuvent avoir ses réponses: « Nous sommes dans un tribunal correction­nel pour une affaire de corruption. Vous comprenez l’enjeu? » C’est bien l’issue de ce procès qui se joue. Pas seulement pour Lino Alberti qui, s’il n’a plus de précision à apporter au tribunal, se demande bien néanmoins ce qu’il « serait allé faire chez les Marzocco si ce n’était pas pour prendre une commission. » « Pour vous c’est presque un réflexe » , conclut son avocat Me De Vita. Reste à savoir si cet argent a tenté de corrompre un maire ou pas. Il appartient désormais au tribunal d’en décider. Les débats, qui doivent se prolonger jusqu’à la semaine prochaine, ne devraient plus concerner le volet Odéon de l’affaire.

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(Photo Franz Chavaroche) Lino Alberti, l’homme clé de ce dossier, et son avocat Me Franck de Vita.
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