Monaco-Matin

Assassinat de Cagnes: « Ils étaient commedeux frères »

Cyril Guy, 17 ans, était proche de Cédric Karem et Benoît Bremond. Il cherche désespérém­ent les raisons qui ont poussé le premier a poignardé avec sauvagerie le second

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Mardi après-midi, le quartier médiéval du Haut de Cagnes est baigné de soleil alors que l’avenue de Verdun reste dans la pénombre. Dans les ténèbres devrait-on dire depuis l’atroce assassinat survenu vendredi et qui bouleverse tout un quartier. Devant le modeste logement où vivaient Benoît Rémond, 19 ans, et sa mère, le volet reste clos. Des fleurs tapissent le perrondeva­nt la porte d’entrée sous scellés. Cédric Karem, 19 ans, est venu vendredi avec la volonté de tuer son meilleur ami. C’est du moins la thèse retenue actuelleme­nt par la brigade criminelle de la police judiciaire et la justice. Une enquête est en cours pour assassinat, des indices accréditan­t laprémédit­ation. Cédric et Benoît s’étaient liésd’amitié sur les bancs du collège Jules-Verne. « Ils étaient comme deux frères », affirme Cyril Guy, lycéen de 17 ans, qui les fréquentai­t depuis un an.

Destins tragiques

Les deux copains, fils uniques, vivaient seuls avec leur mère, privés de pèrepar un destin tragique. La motoétait leur passioncom­mune, même si seul Cédric possédait encore une petite 50 cm3. Cédric est arrivéàpie­dà6heures du matin avec dans son sac un Taser, deux couteaux, des gants et des lingettes. Ilapris soin d’éviter les caméras de vidéosurve­illance avant un effroyable déchaîneme­nt de violence. Desdizaine­s de coups de couteau. L’autopsiepr­évue vendredi devrait confirmer le carnage. « Je suis choqué, très malheureux et très déçu », confie Cyril Guy. Il voyait chaque week-endses copains. Le logement de Benoît était le point de ralliement. « Vendredi, j’avais rendez-vous à la gare en début d’après-midi avec Benoît. J’ai appelé six fois et jeme suis dit qu’il m’attendait chez lui. Quand je suis arrivé, il y avait la police scientifiq­ue. » Cyril ignore encore qu’à 10h30 le grand-pèredeBeno­ît, cuisinier à la retraite, a découvert son petit-fils massacré gisant dans un bain de sang. Qu’une mère, sous le choc, tentait vainement de le ranimer. D’habitude, les trois jeunes passaient des heures ensembleàp­arler rap, notamment du groupe SCH, à écrire des textes, à boire quelques bières, à sebalader ou à regarder des films. Cyril appelle alors Cédric: « Il m’est apparu détaché. Il m’a dit qu’il viendrait plus tard. » Un détachemen­t qui frappera également les enquêteurs, comme si le jeune homme ne réalisait pas l’ampleur de la tragédie.

Accro à un jeu de guerre

Les constatati­ons avaient débuté depuis plus de trois heuresquan­d le meurtrier présumé est revenu sur les lieux de son crime, les mains blessées. Le garçon est décrit comme mal dans sa peau, introverti. Ce que confirme Cyril: « Cédric passait son temps devant sa console en jouant à Call of Duty, un jeu de guerre, même quand on était réuni chez Benoît. Benoît lui, s’intéressai­t aux autres. Il avait un caractère de cochon mais il avait aussi le coeur sur la main. » Sans diplôme, Benoît devait débuter lundi un stagede formation. « On avait des projets ensemble » , affirme Cyril: « Monter une boîte de paysagiste­s, tourner un clip de rap… » À ses trois tatouages, Benoît voulait ajouter « les portes de l’enfer ». « C’était son style, il n’y avait pas forcément de message », soutient Cyril. C’était surtout une manière de rendre hommage à ce pèremort dans un accident avant même sa naissance. En revanche, Cédric, colosse de 1,90 m, plutôt enveloppé, sans re- lations féminines connues, semblait de plus en plus fermé, « de plus en plus éteint », selon Cyril. Le jeune homme a-t-il développé un complexe d’infériorit­é au point de vouloir éliminer celui qui le dominait par son charisme? Était-il jaloux, s’est-il senti humiliépar ce copainqui était loind’avoir sa carrure? Cyril se perdenconj­ectures sur l’origine du conflit entre ses deux amis. « Benoît m’a jamais parlé d’engueulade­s entre eux. Il était plutôt du genre à vous remonter le moral. On avait le même humour. Franchemen­t, tout ça est incompréhe­nsible. »

 ?? (Photo Eric Ottino) ?? Les constatati­ons étaient encore en cours quand l’assassin a été arrêté par la police devant les lieux de son crime.
(Photo Eric Ottino) Les constatati­ons étaient encore en cours quand l’assassin a été arrêté par la police devant les lieux de son crime.
 ?? (Photo C. Perrin) ?? Cyril, encore sous le choc de la mort de son ami Benoît.
(Photo C. Perrin) Cyril, encore sous le choc de la mort de son ami Benoît.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco