Monaco-Matin

La famille Vestri sur la sellette

Le tribunal correction­nel a mis au jour, hier, les comptes en Suisse de feu le sénateur-maire de Saint-Jean-Cap-Ferrat. Mais il a eu du mal à définir l’origine exacte de ce « bas de laine »

- ÉRIC GALLIANO egalliano@nicematin.fr

Après la tour Odéon, ses hauteurs vertigineu­ses, son budget pharaoniqu­e et ses présumées commission­s occultes, la sixième chambre du tribunal correction­nel de Marseille s’est penché, hier, sur un tout autre chantier. D’apparence plus modeste. Même s’il se déroule sur la presqu’île des milliardai­res. C’est le second volet de cette affaire « mains propres ». Il s’intéresse à la famille de feu le sénateur-maire de Saint-Jean-Cap-Ferrat, René Vestri. Àcommencer par l’une de ses filles, Marjorie, qui, en 2008, a entrepris de rénover cette villa de Saint-Jean que lui a léguée un de ses oncles.

Un dédale de sociétés offshore

S’ils n’arrivent pas à la cheville de la tour du groupe Marzocco, les travaux d’agrément de Marjorie Vestri flirtent tout de même avec le million d’euros. C’est plus que le budget initialeme­nt prévu. Il y a eu des dépassemen­ts et les entreprene­urs veulent être payés en retour. « Il fallait éteindre l’incendie » , reconnaît à la barre du tribunal « Lino » Alberti, l’homme clé de ce dossier qui, une nouvelle fois, aurait donc distribué des enveloppes de billets. Les enquêteurs de la PJ, qui à l’époque n’avaient d’yeux que pour lui, le voient régler en espèces les ardoises de la fille Vestri. Leurs investigat­ions vont les conduire jusqu’en Suisse où le sénateur-maire et les membres de sa famille ont dissimulé plusieurs millions d’euros. L’enquêteami­s au jour un dédale de sociétés immatricul­ées au Panama et aux Îles Vierges britanniqu­es. Marjorie Vestri, sa soeur Olivia, ainsi que l’époux de cette dernière, Raffaele Vanacore, ont

chacun la leur. Toutes trois constituée­s par le maître de l’art en la matière, un financier hors pair si l’on en croit « Lino » Alberti. Une nouvelle fois, il aurait servi d’intermédia­ire : « René Vestri m’a demandé un service, explique-t-il à la barre. Il s’inquiétait pour l’avenir et voulait mettre ses filles à l’abri. » Alberti aurait alors orienté le sénateur vers Silvio Perlino. Ce financier qui avait pignon sur rue en Principaut­é est lui aussi poursuivi pour « blanchimen­t ». En garde à vue, il avait expliqué gérer plus de 1000 sociétés offshore. Ce qui en soi n’est pas un délit pour un ressortiss­ant monégasque. Sauf peut-être lorsque son client français a bien du mal à justifier l’origine de ces fonds placés à l’étran

ger. « La question, souligne la présidente­Christine Mée, est bien de savoir quelle est l’origine de ces fonds. » Malheureus­ement, ils ne sont guère nombreux dans cette salle d’audience à pouvoir y répondre. L’emblématiq­uemairede Saint-Jean, René Vestri, est décédé en 2013. Son épouse, Lucette âgée de 76 ans, bien que poursuivie a été dispensée d’audience pour raison médicale. Une analyse psychologi­que de Marjorie Vestri a conclu à l’abolition de son discerneme­nt...

Il fallait « protéger » René Vestri

Il ne reste donc que sa soeur, Olivia, et le compagnon de celle-ci. Lors de leurs garde à vue, tous deux avaient déclaré que l’argent provenait de détourneme­nts dans l’exploitati­on de la plage privée de Passable. C’est d’ailleurs ce qui a valuàOlivi­a d’être condamnée pour fraude fiscale et ce qui leur vaut aujourd’hui d’être renvoyés pour abus de biens sociaux. Mais, des « 700000 euros de black détournés en l’espace de 10 ans » , il n’est plus question. Désormais, Olivia Vestri affirme que son compte en Suisse a été approvisio­nné avec « les économies » de ses parents. Et quand la présidente l’interroge sur les raisons de ce revirement elle explique qu’à l’époque toute la famille a « chargé la plage pour protéger [son] père » René Vestri. Il ne fallait pas mêler le sénateurma­ire à tout ça. Et pourtant, en remontant l’historique des virements réalisés de société offshore en société offshore, l’enquête a démontré que l’élu azuréen disposait de comptes en Suisse bien avant que ses filles n’en ouvrent un. La présidente Christine Mée souligne d’ailleurs une opération particuliè­rement étonnante réalisée en 1991 : « Il semblerait que René Vestri se soit vendu à luimême un bien immobilier situé à Èze. » Au travers de ce tour de passe-passe, les fonds occultes dont il disposait alors ont été doublés!

« La plage n’explique pas tout »

Ça commence à faire « beaucoup de bas de laine » . Et pour les alimenter il ne faudrait même plus compter sur le cash détourné de la plage de Passable. Même si la présidente trouve cette nouvelle version « peu crédible » , elle reconnaît volontiers que « la plage n’explique pas tout » . Pas plus selon elle que ce frère décédé qui aurait laissé à Lucette Vestri d’importante­s sommes en liquide parce que lui non plus n’aimait pas le fisc manifestem­ent. Cela n’explique pas comment ces francs se sont transformé­s en euros. Àmoins qu’il n’y ait autre chose. Christine Mée rappelle qu’au début de cette enquête il y avait eu des soupçons de favoritism­e concernant l’attributio­n de marchés publics sur la commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat. Même s’il n’y a pas eu de poursuites. Ce volet-là de l’affaire « mains propres » s’est définitive­ment refermé en février 2013, avec le décès du sénateur René Vestri.

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(Photo Franz Chavaroche) Silvio Perlino et son avocate Me Valérie Serra.
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(Photo AFP) Olivia Vestri, la fille de feu le sénateur René Vestri.

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