Monaco-Matin

Affaire « mains propres » : Grand Hôtel et grosse commission

L’ultime volet de l’affaire « mains propres » a été abordé hier devant le tribunal correction­nel de Marseille. Il est à nouveau question d’une commission non déclarée

- ERIC GALLIANO egalliano@nicematin.fr

Les débats se sont achevés, hier, au tribunal correction­nel de Marseille, sur l’ultime volet de l’affaire « mains propres ». Même si cette fois l’ombre d’aucun élu de la République ne plane sur les débats, il est à nouveau question d’un chantier sur la presqu’île des milliardai­res. Celui de la rénovation du Grand Hôtel du Cap. Le palace s’apprête à faire peau neuve à la fin des années 2000. Les travaux sont estimés à trente millions d’euros. La facture finale atteindra presque le double. Un joli marché auxquelles ont déjà soumission­né les poids lourds du BTP, Vinci, Carry, Eiffage… Lorsque Lino Alberti l’apprend. L’homme clé de l’affaire « mains propres », qui n’est toutefois pas poursuivi dans cet ultime volet, décroche alors son téléphone pour appeler un de ses nombreux « amis ».

Recruté pour son entregent

Il s’agit cette fois de Giuseppe Malaguarne­ra. L’homme a dirigé la société Richelmi, une des filiales de droit monégasque de Bouygues, même s’il a de- puis quitté la région pour Grenoble où il occupe d’autres fonctions au sein du groupe. C’est pourtant lui que Lino appelle pour conseiller à Bouygues de soumission­ner également à l’appel d’offres du Grand Hôtel du Cap. En toute amitié assure Alberti qui n’a « même pas » demandé de commission. Ce n’est pas le cas d’un autre intervenan­t, Christophe Marty. L’homme se présente comme le « fils d’une famille de médecins » , « né à Paris » , dont le métier se résume à « monter des affaires » : « Je mets en relation des gens » , « j’ai un gros relationne­l dans le monde entier » , assure celui qui, à la barre, explique connaître « personnell­ement » Bill Gates. Le fait est que c’est bien pour son entregent qu’on a fait appel à lui. Parce qu’il connaît aussi les responsabl­es du Grand Hôtel. Pas seulement le directeur du palace, mais -dit-il- son nouveaupro­priétaire, le milliardai­re ukrainien Leonard Blavadnik. C’est pour « ouvrir des portes » et « mieux connaître les attentes du client » que Christophe Marty aurait été recruté par la filiale monégasque de Bouygues. Si le groupe de BTP emporte le marché, l’apporteur d’affaires sera rémunéré pour ses services. La commission est fixée à 1%, même si aucun écrit en atteste. Et c’est bien là le problème, souligne Christine Mée, la présidente de la sixième chambre correction­nelle de Marseille.

Le médaillé du travail se retrouve seul à la barre

« Il aurait pu y avoir simplement une facturatio­n d’apporteur d’affaires ». Au lieu de cela la commission de 600000 euros va transiter par une société de facturatio­n anglaise pour finir sur un compte en Suisse. A la barre, Christophe Marty reconnaît avoir fait une erreur. Qu’il a d’ailleurs en partie déjà réparée en payant ce qu’il devait au fisc français. Même s’il est désormais poursuivi pour blanchimen­t, mais aussi de faux et usage de faux. Car, chez Bouygues, pour justifier du versement de ladite commission, on ne pouvait se contenter d’une promesse verbale. Il a bien fallu faire un peu de pape- rasse. C’est ainsi que deux convention­s ont été rédigées. Et comme l’une d’elle est signée de la main de Giuseppe Malaguarne­ra, c’est lui qui doit en répondre. « Seul » , déplore son avocat, Me Olivier Forray. Car les auditions réalisées dans le cadre de l’enquête semblent démontrer que la direction régionale du groupe était parfaiteme­nt au courant des accords qui avaient été passés. La SAM Richelmi s’est néanmoins constitué partie civile pour demander des comptes à cet ancien em- ployé à la retraite auquel le groupe avait pourtant remis la médaille du travail pour ses 40 ans de bons et loyaux services… Juste avant qu’il ne soit placé en garde à vue. Cheveux blancs et ton policé, Giuseppe Malaguarne­ra semble avoir du mal à encaisser d’être ainsi lâché en eaux troubles. Car c’est bien au coeur de cette fameuse zone grise des paradis fiscaux et de ses méandres financiers qu’a plongé cette semaine le tribunal correction­nel de Marseille. Un monde parallèle où échouent parfois commission­s occultes et recettes dissimulée­s. L’argent de la corruption pour la tour Odéon et le maire de Beausoleil ? Le black de la plage de Passable et les économies cachées de la famille du sénateur Vestri ? Il appartiend­ra au tribunal d’en décider après que le parquet ait pris ses réquisitio­ns et que les avocats de la défense aient plaidé la cause des onze prévenus poursuivis dans le cadre de cette affaire « mains propres ». Les grands oraux débuteront lundi.

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(Photo Franz Chavaroche) Le tribunal correction­nel deMarseill­e a examiné hier le dernier volet de l’affaire «mains propres».

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