Un quinquennat de guingois
Il y a une forme d’injustice envers François Hollande. Les Français lui en veulent alors qu’ils n’ont jamais vraiment cru en lui et n’en attendaient rien. Du moins pas grand-chose. Ils lui reprochent aussi sa rondeur, assimilée à de la mollesse, alors mêmequ’ils n’en pouvaient plus de l’anguleux et coupant Sarkozy. Tout le drame du chef de l’Etat part de là, de ce malentendu originel : il a été porté au pouvoir par défaut, pour en chasser son prédécesseur et parce que, manque de bol, celui que les Français espéraient, Dominique Strauss-Kahn, s’est pris les pieds dans le tapis de l’obscénité. D’emblée, l’affaire s’annonçait donc compliquée.
Des réformes, pourtant
Son impuissance à résorber véritablement le chômage, pour pesante et douloureuse qu’elle soit, n’aura pas été le fondement essentiel de l’impopularité hollandaise. D’autres avant lui s’y étaient cassé les dents, sans toucher les mêmes abîmes de détestation. Du côté des « frondeurs » et du Front de gauche, on a certes eu beau jeu de mettre son échec personnel sur le dos du reniement de ses promesses électorales et d’un cap qui, avec les promotions de Manuel Valls et Emmanuel Macron, s’est sensiblement infléchi vers la droite. Mais François Mitterrand avait-il fait autrement lors du virage serreceinture de la rigueur en 1983, puis du remplacement de Pierre Mauroy par Laurent Fabius en 1984 ? Dire que François Hollande n’a rien initié serait enoutre lui faire injure. Le Mariage pour tous, son héritage principal, le CICE, les lois sur la Croissance ou la Santé, constituent de réels marqueurs réformateurs. Sans êtremirobolant, son bilan n’a rien de totalement infamant. C’est ailleurs que l’hypoPrésident a péché. Dans l’incarnationde la fonction. L’intervention au Mali, la gestion des attentats, lui auront bien permis de restaurer, un temps, son autorité. Il aura, dans ces momentlà, enfin endossé l’habit pré- sidentiel. Mais il était déjà trop tard. Et la façon trop manoeuvrièredont ilavoulu ensuite utiliser la déchéance de nationalité aura achevé de le renvoyer, aux yeux des Français, à ses errements premiers.
Désordres intimes
Trop normal, trop gentil, trop dépassépar lesévénements, amateur en vérité, tel est le sentiment qui, très vite, s’est durablement insinué dans les esprits. Dès les législatives de 2012, quand Valérie Trierweiler l’a poignardé une première fois par ce tweet de soutien à Olivier Falorni, candidat à ladéputation face à Ségolène Royal. Viendront ensuite la rue du Cirque, le bouquin vengeur de son ex-compagne, tous ces petits et grands désordres intimes qui ont habillé le Président pour la durée de son quinquennat. Avec, en guise de bouquet final, ces confessions surréalistes aux deux journalistesdu Monde, Gérard Davet et Fabrice Lhomme. Dansununiversmédiatique impitoyable qui bouscule sans relâche, François Hollande n’a jamais trouvé le
bon tempo. « Je ne sais pas si le chemin est le bon, on verra à la fin », confessait-il quelques jours avant les attentats de janvier 2015, dans un élan de sincérité aussi louable que... peu propice à transcender les foules ! Ce manque de poigne s’est illustré à son paroxysme dans la gestion publique en octobre 2013, quand François Hollande, à force de
vouloir concilier lachèvreet le chou, s’est fait brocarder en mondovision par Leonarda Dibrani. Lui Président s’est égaré dans cette synthèse émolliente, sa force lorsqu’il était premier secrétaire du PS, devenue son talon d’Achille à l’Elysée. « Hollande est un spécialiste du bonneteau, pas un homme politique susceptible
de réintroduire la volonté dans l’Histoire » , cinglait le philosophe Michel Onfray en août 2012. Destin cruel pour un chef de l’Etat dont les Français se sont très vite lassés pour avoir compris qu’il était le miroir de leur propre normalité. De leurs propres impuissances.