« Pour lagauche, ce n’est pas une bonne décision»
Pour Jean-PierreMignard, proche de Hollande, le chef de l’État « a voulu éviter d’ajouter du désordre au désordre ». Selon lui, « c’est une attitude très digne personnellement: d’autres n’auraient pas eu cette hauteur... »
Annoncer sa décision la veille de la grande convention nationale du PS et de « La Belle Alliance populaire », nom donnée à la primaire de la gauche : François Hollande redistribue d’emblée les cartes. Car si Manuel Valls, parti un brin trop tôt en campagne, le week-end dernier dans les colonnes du JDD, a dû faire marche arrière sur sa légitimité à endosser le costume de présidentiable, les fédérations du PS, les militantsetde fait, les différents courants du parti, ont rendez-vous demain, porte de la Villette à Paris, pour aborder la question. Il faudraàces milliers de socialistes répondreaussiàune question: qui est le plus légitime pour succéder à François Hollande? Pour Christian Eckert, secrétaired’État chargé du Budget, Manuel Valls est le plusàmême de porter lebilan du quinquennat « mais aussi le projet au nom du PS » . Sauf que dans la famille politique, la fracture de 2011 ne s’est pas refermée, et beaucoup se demandent qui est capable de (ré-)incarner le progrès, comme cela a toujours été, et surtout de porter une façon de « faire de la politique autrement ». Une position que revendique déjà Emmanuel Macron. L’ex-ministre de l’Économie, candidat déclaré à laprésidentielle mais sans passer par la primaire, devra sûrement être l’hommeàabattre, tant il est donné par les enquêtes d’opinion, comme le seul candidat dit « de gauche », capable pour l’heure de se placer en troisième position derrière Fillon et Le Pen. Candidate à la primaire, Marie-Noëlle Lienemann appelle à une candidature unique avec Benoit Hamon et Arnaud Montebourg, autres « frondeurs » engagés dans la primaire… Une candidatureunique autour de l’un de ces trois noms, voire quatre si Gérard Filoche parvient à obtenir les parrainages nécessaires, suffira-t-elle à rassembler? D’autant que hors primaire, les candidatures semultiplient. Ladernière, SylviaPinel, présidenteduPRG, est encore venue brouiller la donne…
Cherchez la femme… Peut-être?
Du coup, la grande convention pourrait donner lieuàdenouvelles aspirations, pour ne pas dire velléités de candidature. Chez Ségolène Royal, candidate déçue par deux fois déjà, annoncée voilà plusieurs semaines comme une
C’était sans issue. Il n’a pas voulu s’acharner. » Il n’y a guère que ses amis proches qui ne sont pas surpris. Soit parce qu’ils ont été mis dans la confidence. Soit parce qu’ils connaissaient l’homme derrière le Président. « François Hollande avait deux choix, expose l’avocat Jean-PierreMignard, qui l’a suivi dans beaucoup d’aventures au Parti socialiste. Il pouvait être candidat en passant par la primaire ou renoncer. Or, cette primaire s’est imposée au PS. Elle a été demandée par des opposants à son quinquennat… » Jusqu’au bout, François Hollande, pourtant fin stratège, a tenté d’échapper à une primaire qui l’avait mis au pied du mur. Et que les socialistes ont introduit, en 2011, dans leurs statuts: leur candidat doit obligatoirement passer cette étape. « C’était une folie institutionnelle d’imaginer se présenter à une primaire en tant que Président sortant: quand on représente tous les Français, on ne revient pas devant les militants! », souligne Mignard. « À cette époque, le PS n’a pas réfléchi à la portée de cette décision. La gauche a fait cela dans la précipitation… » Le choix de François Hollande ouvre désormais la porte à sa succession. Manuel Valls, Arnaud Montebourg, Emmanuel Macron… Tous les candidats de gauche sont héritiers et responsables du bilan de la gauche depuis 2012. « La gauche ne peut pas triompher ce soir car pour elle, ce n’est pas une bonne décision, même si elle est politiquement res- présidentiable potentielle ? Ouencore Martine Aubry, plutôt silencieuse ces dernières semaines, et qui organisait le week-end dernier un « Carrefour des gauches » plutôt destiné à faire barrage à une candidature de Valls? Ou encore Christine Taubira? Une pétition n’a-t-elle pas été lancée sur Internet pour lui demander de se présenter? Reste qu’il faudra attendre les projets, et les professions de foi… Et seprésenter comme un seul homme – ou une seule femme. Car nombre demilitants et de sympathisants ont bien conscience qu’audelà des fractures et de l’éternel débat entre social-libéralisme et République sociale, « il faudra porter un vrai projet de gauche », et être rassemblé devant les électeurs pour gagner. La primaire avant la présidentielle… Les candidats potentiels ont jusqu’au 15 décembrepour se déclarer… Il sera toujours temps, confie ce militant, « de discuter après la primaire, avec celles et ceux qui, avant, étaient nos alliés. » Franchement, c’est pour l’heure (plutôt) mal engagé. pectable de la part de François Hollande », souffle encore Mignard. « Il a voulu éviter d’ajouter du désordre au désordre. C’est une attitude très digne personnellement : d’autres n’auraient pas eu cette hauteur… »
Une « erreur »
Au-delà du bilan que François Hollande dit assumer, exceptée la déchéance de nationalité qui a divisé à gauche et fut une « erreur » selon le chef de l’État, c’est le fonctionnement lui-même de la Ve République qui tangue après cette décision historique et inédite, même si la plupart des présidents n’ont pas toujours joui d’une sortie par le haut : « De Gaulle a quitté le pouvoir après un référendum perdu, Pompidou était très malade, Giscard n’a fait qu’unmandat… Ce ne sont pas les hommes qui sont en question, mais le système » , rembobine Mignard. Qui jure que François Hollande était lucide dès le début de son quinquennat : « Il savait que sa majorité allait de l’extrême-gauche à François Bayrou. Comment faire pour contenter les uns sans se fâcher avec les autres? La Ve République coupe la France en deux et contraint les chefs d’État à l’impuissance. La paralysie française vient de là. » Est-ce un hasard si Arnaud Montebourg, qui fait figure de favori de la primaire avant l’annonce probable de la candidature deManuel Valls, défend l’instauration d’une VIe République ?