Diabètede type : l’incroyable découverte d’un chercheur niçois
Patrick Collombat, directeur de recherche à l’Inserm, et son équipe ont mis au jour une molécule, utilisée comme complément alimentaire, capable de régénérer des cellules productrices d’insuline
Il a cette modestie propre aux grandshommes. Et pourtant, le nom de Patrick Collombat restera probablement gravé dans l’histoire de lamédecine. À seulement 42 ans, ce directeur de recherche à l’Inserm vient de découvrir une molécule qui pourrait à terme libérer les diabétiques des injections d’insuline. Son nom? GABA. Vous n’en avez jamais entendu parler? Tapez ces quatre lettres sur un moteur de recherche, et ce que vous découvrirez risque bien de vous surprendre. Ce neurotransmetteur, présent naturellement dans l’organisme, est aussi un complément alimentaire en vente libre dans de nombreux pays, et abondamment utilisé par… les bodybuilders soucieux d’augmenter leur masse musculaire! Patrick Collombat ne cache pas qu’il a lui-même été sidérépar cette découverte, épilogue d’une recherche entêtée au bénéfice des diabétiques.
Plus de millions de dollars injectés
Tout a commencé il y a quelques années. Patrick-Collombat, àpeine trentenaire, et déjà riche de dix années passées dans l’undes plus prestigieux instituts de recherche au monde, Max-Planck en Allemagne, choisit l’Institut de biologiede Valrose à Nice pour poursuivre ses travaux sur le diabète de type 1. Des travaux très originaux, et suffisamment prometteurspour que les Américains, eux-mêmes, choisissent d’y injecter plus de cinq millions de dollars. « Sur des modèles de souris génétiquement modifiées, chez lesquelles on détruit toutes les cellules pancréatiques productrices d’insuline (cellules bêta) – reproduisant ce qui se passe dans le diabète de type 1 –, on a d’abordmontré, que l’organisme était capable de régénérer ces cellules, en puisant dans un autre stock de cellules voisines, dites alpha. » Ces résultats avaient alors été obtenus en forçant l’activation d’un seul gène dans ces cellules conduisant à leur transformation en cel- lules productrices d’insuline. « Alors que l’on pouvait craindre d’épuiser rapidement ce stock des cellules précurseurs, nous avons découvert que l’animal pouvait régénérer quatre fois ses cellules bêta productrices d’insuline. Soit tout au long de sa vie. C’est une source potentiellement inépuisable! » Une découverte décisive, mais impossible à reproduire chez l’homme. « On ne peut pas modifier le patrimoine génétique d’un être humain. » L’alternative? Se lancer à la recherche d’une molécule capablede reproduire les effets de cette modification génétique, en testant, comme c’est souvent le cas pour les médicaments, des centaines de milliers de composés. « Nous nous sommes intéressés à des molécules diverses, pendant que des chimistes viennois, avec lesquels nous collaborons, évaluaient, eux, les effets de médicaments déjà connus. » Et le miracle s’est produit. Presque simultanément, les deux équipes identifiaient une molécule capable de mimer les effets de la manipulation génétique sur les cellules du pancréas, aussi bien chez l’animal que sur des tissus humains. Le GABA, pour ce qui con- cerne l’équipe niçoise, l’artémisine, un antipaludéen, côté autrichien. « Dans les deux cas, c’est la même voie de signalisation qui est ciblée, conduisant aux effets sur les cellules alpha. »
Un essai clinique initié
L’importance de ces découvertes était telle que l’une des meilleures revues scientifiques aumonde, Cell, acceptait aussitôt de publier les deux articles. Des essais thérapeutiques, en double aveugle et versus placebo, ont été initiés au Danemark, chez 60 patients atteints de diabète de type 1. « Il s’agit de vérifier si le GABA peut effectivement les aider à se passer d’insuline. Pour cela, on va diminuer progressivement les apports en insuline et suivre la glycémie chez des patients traités par du GABA. » Compte tenu des immenses enjeux médico-économiques – lediabète est un fléau mondial –, le secret risque d’être prudemment gardé sur les résultats de ces essais. Mais si Patrick Collombat souhaite, dans une démarche responsable, tempérer les espoirs -– « nous sommes encore loin d’un médicament potentiel » –, il concède que « les résultats sont vraiment très prometteurs. »