Monaco-Matin

Lucidité

- Par CLAUDE WEILL

Quand, à quel moment, François Hollande a-t-il fini par admettre que c’était fichu ? Quand a-t-il pris conscience, en toute « lu

cidité » , des « risques que ferait courir une démarche qui ne rassembler­ait pas large

ment autour d’elle » ? – puisque c’est ainsi qu’il a expliqué sa décision de ne pas se représente­r. Jusqu’au bout, il a fait comme si. Il a voulu y croire. Il a tenté tout ce qui était humainemen­t possible pour entretenir l’hypothèse de sa candidatur­e. Mais sous le masque de cet homme si habile à dissimuler ses sentiments, sous l’éternel sourire dont il s’est fait un rempart, l’acide du doute agissait. Hollande est un froid, un rationnel. Un observateu­r politique aigu. Comment n’aurait-il pas vu, enregistré, analysé ce qui clochait ? La litanie des sondages, toujours calamiteux, et qui n’annonçaien­t aucun rebond. Tous ces discours, ces allocution­s solennelle­s, ces interviews destinés à lancer la reconquête et qui, immanquabl­ement, faisaient pschitt. Signe que les Français ne l’écoutaient plus. L’évidente volonté des électeurs de changer la donne.  ne serait pas le remake de . Cela a signé la perte de Nicolas Sarkozy, dont Hollande avait fait son ennemi préféré. Cette éliminatio­n, il ne l’a pas vue venir. Elle laissait mal augurer de cette fichue primaire socialiste à laquelle il était trop tard pour se dérober. Et puis les ambitieux qui se dévoilent, les amis qui s’éloignent. Même Macron, oui le cher « Emmanuel », son protégé, dont il refusait obstinémen­t de croire que celui-là aussi pourrait le lâcher. Et encore les ravages du fameux livre, « Un

président ne devrait pas dire ça », qui laissait ses meilleurs amis éberlués, et dont il a bien dû se demander comment il avait pu être assez naïf ou présomptue­ux pour se fourrer dans un guêpier pareil. Il avait espéré écrire la geste de son quinquenna­t. Il avait rédigé son épitaphe. Autant d’événements qui, comme la goutte d’eau du supplice chinois, ont peu à peu usé sa déterminat­ion et entamé sa conviction que lui, l’as de la synthèse, restait envers et contre tout le seul capable de rassembler les socialiste­s. La porte de la réélection se fermait inexorable­ment. Ce n’était plus « un trou de souris » ; c’était le chas d’une aiguille. L’histoire fera le bilan du quinquenna­t Hollande. Elle sera peut- être plus clémente que ses contempora­ins. Mais plus que le manque de résultats de sa politique économique ou que le rasle-bol fiscal, elle retiendra, paradoxale­ment, que c’est sur le terrain de la politique pure que ce pur politique a le plus échoué. On le voit comme un fin stratège, un tacticien hors pair, le digne héritier du Florentin. Il est allé d’erreur en déconvenue. Il n’a pu empêcher sa majorité de se lézarder, le noyau des « frondeurs » de s’enkys- ter. Puis ce fut la rupture avec les écologiste­s d’EELV. Et une succession de crises qui virent tant de poids lourds quitter un à un le gouverneme­nt. Duflot, Hamon, Montebourg, Taubira, Macron… Presque tous finiront par briguer la présidence… contre le président. Autant d’épisodes qui ont affaibli l’autorité du chef de l’Etat et rétréci l’assise politique de son gouverneme­nt. L’attelage penchait dangereuse­ment et se coupait d’une partie de sa base électorale. Hollande a achevé de le déstabilis­er avec la loi El-Khomri et la déchéance de nationalit­é, heurtant coup sur coup le monde syndical et la gauche morale. A chaque fois, Hollande a avancé, reculé, et finalement paru subir plus que trancher. Un chef c’est fait pour cheffer, disait Chirac. Hollande, tout à sa quête du compromis qui ménagerait le pour et le contre, n’a que rarement réussi à cheffer – sauf sur le terrain militaire. L’homme était peut- être trop rond, trop… politique pour cette fonction quasi monarchiqu­e, taillée aux mesures du général de Gaulle. Avec sa science des équilibres politiques, il aurait fait un excellent chef de gouverneme­nt scandinave.

« Cette éliminatio­n, il ne l’a pas vue venir.»

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Monaco