Lucidité
Quand, à quel moment, François Hollande a-t-il fini par admettre que c’était fichu ? Quand a-t-il pris conscience, en toute « lu
cidité » , des « risques que ferait courir une démarche qui ne rassemblerait pas large
ment autour d’elle » ? – puisque c’est ainsi qu’il a expliqué sa décision de ne pas se représenter. Jusqu’au bout, il a fait comme si. Il a voulu y croire. Il a tenté tout ce qui était humainement possible pour entretenir l’hypothèse de sa candidature. Mais sous le masque de cet homme si habile à dissimuler ses sentiments, sous l’éternel sourire dont il s’est fait un rempart, l’acide du doute agissait. Hollande est un froid, un rationnel. Un observateur politique aigu. Comment n’aurait-il pas vu, enregistré, analysé ce qui clochait ? La litanie des sondages, toujours calamiteux, et qui n’annonçaient aucun rebond. Tous ces discours, ces allocutions solennelles, ces interviews destinés à lancer la reconquête et qui, immanquablement, faisaient pschitt. Signe que les Français ne l’écoutaient plus. L’évidente volonté des électeurs de changer la donne. ne serait pas le remake de . Cela a signé la perte de Nicolas Sarkozy, dont Hollande avait fait son ennemi préféré. Cette élimination, il ne l’a pas vue venir. Elle laissait mal augurer de cette fichue primaire socialiste à laquelle il était trop tard pour se dérober. Et puis les ambitieux qui se dévoilent, les amis qui s’éloignent. Même Macron, oui le cher « Emmanuel », son protégé, dont il refusait obstinément de croire que celui-là aussi pourrait le lâcher. Et encore les ravages du fameux livre, « Un
président ne devrait pas dire ça », qui laissait ses meilleurs amis éberlués, et dont il a bien dû se demander comment il avait pu être assez naïf ou présomptueux pour se fourrer dans un guêpier pareil. Il avait espéré écrire la geste de son quinquennat. Il avait rédigé son épitaphe. Autant d’événements qui, comme la goutte d’eau du supplice chinois, ont peu à peu usé sa détermination et entamé sa conviction que lui, l’as de la synthèse, restait envers et contre tout le seul capable de rassembler les socialistes. La porte de la réélection se fermait inexorablement. Ce n’était plus « un trou de souris » ; c’était le chas d’une aiguille. L’histoire fera le bilan du quinquennat Hollande. Elle sera peut- être plus clémente que ses contemporains. Mais plus que le manque de résultats de sa politique économique ou que le rasle-bol fiscal, elle retiendra, paradoxalement, que c’est sur le terrain de la politique pure que ce pur politique a le plus échoué. On le voit comme un fin stratège, un tacticien hors pair, le digne héritier du Florentin. Il est allé d’erreur en déconvenue. Il n’a pu empêcher sa majorité de se lézarder, le noyau des « frondeurs » de s’enkys- ter. Puis ce fut la rupture avec les écologistes d’EELV. Et une succession de crises qui virent tant de poids lourds quitter un à un le gouvernement. Duflot, Hamon, Montebourg, Taubira, Macron… Presque tous finiront par briguer la présidence… contre le président. Autant d’épisodes qui ont affaibli l’autorité du chef de l’Etat et rétréci l’assise politique de son gouvernement. L’attelage penchait dangereusement et se coupait d’une partie de sa base électorale. Hollande a achevé de le déstabiliser avec la loi El-Khomri et la déchéance de nationalité, heurtant coup sur coup le monde syndical et la gauche morale. A chaque fois, Hollande a avancé, reculé, et finalement paru subir plus que trancher. Un chef c’est fait pour cheffer, disait Chirac. Hollande, tout à sa quête du compromis qui ménagerait le pour et le contre, n’a que rarement réussi à cheffer – sauf sur le terrain militaire. L’homme était peut- être trop rond, trop… politique pour cette fonction quasi monarchique, taillée aux mesures du général de Gaulle. Avec sa science des équilibres politiques, il aurait fait un excellent chef de gouvernement scandinave.
« Cette élimination, il ne l’a pas vue venir.»